Fin de cuvée à Château-Guichard
Cuisine Régionale
Épinglé, lardé de coups de pique même, le grand commandeur du Conseil régional hésite entre les allures de cactus et de statuette vaudou. La Chambre régionale des comptes a percé ses petits secrets.
La Chambre des comptes a réalisé neuf mois d’enquête pour accoucher d’un bébé de 41 pages qu’Olivier Guichard jetterait bien aux orties. Les orties, allergiques aux bébés, protestent.
Au hasard des chapitres de ce rapport, on découvre que malgré son budget de près de 3 milliards de francs, la Région n’a pas réussi à se payer une comptabilité analytique permettant de rendre lisibles les destinations des lignes budgétaires. Même si en 91 et 92, on a craqué 1,6 MF d’audit centré sur la « maîtrise de gestion ».
Saucisson et dilution. Largement pratiqué pour tourner la loi : le saucissonnage de factures, passées sous la barre du plafond légal des 300 000 F pour éviter le recours obligatoire à l’appel d’offres. Parfois, la note est fractionnée en plusieurs factures dans l’année. Pour diluer les montants, plusieurs règlements comptables sont passés aux succursales Ouest, Languedoc-Roussillon et Bretagne d’une même boîte informatique, Agena.
Explosion communicative. Les dépenses de communication sont évaluées entre 35 et 40 MF par an par le rapporteur : aux sommes affectées au budget, s’ajoute tout ce qui a été dissout dans les dépenses d’administration générale. Les agences de com’ qui se partagent cette manne ne sont pas mises en concurrence : code des marchés bafoué. En gratifiant l’émission TV Estuaire de 318 000 F, la Région dépense plus que France 3 qui n’apporte que 296 500 F, tout ça pour que les Baulois captent l’émission l’été.
Double-casquettologie. Parfois, Guichard régional finance Guichard baulois : exemple, en 92, le premier accorde au second 130 000 F de subsides pour la soirée de gala de ses « Rencontres de la danse » et fait doubler la somme sur simple lettre du directeur général des services, court-circuitant un vote de l’assemblée pour ce rab d’aide. La Région a financé 390 000 brochures vantant le secteur de la Baule ou le « pôle touristique du Sivom de la Baule », sans que la Chambre puisse vérifier la réalité des dépenses : les factures des éditeurs ne correspondent pas aux noms portés sur les brochures fournies en justificatif des dépenses.
Le côté bourbon du Baron. Le Baron de trois-quarts de siècle d’âge est pris en flagrant délit de désintégrité. Depuis 1981, la Région loue un appartement de 102 m2 place du Palais Bourbon, à Paris. Sans plaque ni signe distinctif, cette ancienne loge de concierge aménagée ne profite qu’aux activités parisiennes et nationales du député Guichard. Ce qui ‑loyer et personnel permanent- coûte la bagatelle d’environ 1 MF par an aux contribuables des Pays de la Loire.
Frais généreux. Quand Guichard va se la couler douce dans son fief bordelais, sa propriété de Siorac dans le Pomerol, la Région paye les voitures qu’il loue à Bordeaux. Et en 92, des péages ont été réglés 17 fois sur le compte régional, le plus souvent à Virsac (Gironde), parfois dans le sud-est, ou au pied des Alpes. « Usage personnel, donc prohibé des voitures de fonction », tance le magistrat rapporteur.
P’tits fours et indèmes. Les cinq dernières années, « les frais de gestion (fêtes et cérémonies, frais de transport, impressions et reliures, documentation générale, PTT, frais d’actes et de contentieux, indemnités et frais de mission au président et aux conseillers) ont progressé de 190% ». Si c’est de la croissance, c’est pas très économique.
Un dirlo chouchouté. Outre son logement de fonction où la Région règle gaz, électricité et téléphone, le directeur général des services se fait payer ses frais de réception et de représentation personnels (154 312 F en 1992, sans compter les achats de vaisselle, mobilier et linge de maison, soit plus de 150 000 F en 91 et 92).
La Région à perte de revue. La prestigieuse revue 303 coûte bonbon. Prix de revient de 172 F l’exemplaire. Chaque revue est pourtant bradée à perte 80 F (et 150 F le numéro spécial annuel). Publication culturelle sur papier glacé régional, ce luxueux magazine n’est autofinancé qu’à 25%. Publier à 15 000 exemplaires quatre numéros par an fait débourser à la Région entre 2,1 et 2,5 MF selon les millésimes. L’association éditrice du magazine, hébergée au Palais de Région, est subventionnée entre 1,2 et 1,5 MF par an, mais bénéficie aussi indirectement de salaires, locaux, informatique et matériel, mises à dispositions gratuites qui ne figurent pas dans la comptabilité.
Guichard : bonjour les dégâts
Gestion Guichard, heure des bilans. Couleur locale : sombre. Ambiance : fin de règne. Outre la Région et son président mis en cause par la Chambre des comptes, le déficit de gestion de la Ville de la Baule est de 418 millions, trou attesté fin 95 par un audit commandé par le successeur de Guichard qui lui-même a préféré ne pas se représenter. Sans parler des 19,4 millions de F détournés par l’ancien bras droit* de Guichard au Sivom de la Baule grâce à des faux, en partie signés les yeux fermés par le baron.
*Roger Potot, condamné à huit ans ferme en Assises pour faux en écritures publiques.