Les dangers du saut à l’holistique
Cosmique troupier
Tous les chemins mènent du Mandarom. Une adepte passée par la secte des Chevaliers du Lotus d’Or a ouvert à Nantes une officine moins voyante, désignée comme secte par le dernier rapport gouvernemental.
La rue Siméon Foucault pourait se passer d’éclairage public : elle est fréquentée par assez d’illuminés pour éclairer tous les trottoirs du quartier, entre mairie de Nantes et cours des 50 otages. C’est ici que l’ISHO, Institut de sciences holistiques de l’Ouest, s’est ouvert à la fin des années quatre-vingt. Ce complexe du cerveau à l’estomac (stages, resto, librairie) est tenu par Jean-Pierre et Joëlle Le Gouguec. Madame fut chevalière du Lotus d’Or dans la secte du Mandarom, dénommée « Aruna » quand elle fricotait comme disciple de Gilbert Bourdin, le messie cosmo-planétaire. Elle dit avoir quitté le Mandarom en 1978, mais en préfecture, les papiers qu’elle signe gardent toujours ce nom initié d’Aruna. Pour embrouiller les fouille-secte de l’extérieur, les structures qui vendent cours, bols de riz et bouquins changent régulièrement de forme. Véritable caméléon, passé de SARL à association, puis devenue société de fait, de nouveau muée en SARL… L’association Institut des Services Holistiques de l’Ouest a ainsi été dissoute en décembre dernier. Le flou est savamment entretenu.
En trois ans, 75 gogos (pardon, « stagiaires ») se sont préparés au « Grand Mystère ». L’évaluation des candidats aux stages joue sur la fragilité physique et mentale, aiguillée par un questionnaire en 37 questions mettant en relief les points faibles psychiques de chacun, zones vulnérables exploitées par la suite des stages. Selon une ancienne adepte, le régime de l’ISHO, passe par une « purification du corps mental », une « purification corporelle » à coup de riz complet en régime unique, et une « purification du corps astral », pour se détacher de ses désirs, émotions et sentiments, à coups de privation volontaire de télé, de sorties, et de rupture avec sa famille. Un régime global que n’a pas supporté Odile T., prof de couture dans un lycée privé de Cholet, adepte d’ISHO depuis juin 1987, immolée par le feu à 43 ans le 26 avril 1992, en laissant un message disant combien elle était déstabilisée sur le plan psychique, son esprit manipulé par l’idéologie de l’institut. À l’époque de ce suicide près d’une grotte proche de son domicile, sa famille n’avait pas porté plainte, se contentant de quitter la région.
Pour abuser son monde, la secte a apposé sur son dépliant un numéro de déclaration de l’association en préfecture, histoire de faire officiel. Détail, mais strictement interdit ! La justice en a profité. Fin mars le tribunal a condamné les responsables de l’ISHO à 10 000 F d’amende chacun. Marie-Pierre Le Saux qui tient dans les mêmes murs le resto biologique « L’Île Verte » et la librairie esotérique « l’Esprit du temps » a écopé de 2 000 F pour complicité. Comme quoi, à trop jouer à l’holistique, ça peut péter au nez.