L’étang à la sauce grand veneur

Publié par lalettrealulu le

Chasse d’eau

Les quelques aristocrates qui coursent le cerf dans la forêt du Gâvre veulent un plan d’eau pour attirer le gibier. La République s’exécute et prie le petit peuple de ne pas broncher.

Un millier de personnes en décembre, autant en mai : les protestations des riverains de la forêt du Gâvre, qui ont manifesté à deux reprises leur opposition à l’extension du périmètre accordé à la chasse à courre, n’ont pas l’air d’émouvoir l’Office National des Forêts. Cette vénérable institution n’est pas disposée à modifier ses plans pour quelques écolos et une poignée de rustres mécontents. Il y aura bien un étang à but « cynégétique»* en lisière de la forêt du Gâvre, un point c’est tout. Et les gens de bonne compagnie pourront développer à loisir cette pratique ancestrale avec la bénédiction de l’Etat républicain.

Lulu a vérifié. Non seulement quelques pervers endimanchés continuent, en 1996, en Loire-Atlantique, à martyriser pour le plaisir les quelques malheureux cervidés qui peuplent la dernière grande forêt de la région, mais en plus ils en redemandent et exigent la jouissance d’une pièce d’eau que l’ONF s’apprête à créer. Histoire de piéger plus facilement les animaux qui viendront s’y désaltérer.

La chasse à courre toujours

Trois ou quatre « équipages » se partagent les adjudications concédées par l’ONF. Ces adjucations, valables douze ans, autorisent la chasse de vingt-deux cerfs et de plusieurs dizaines de chevreuils, d’octobre à mars. Les équipages sont dirigés par des « veneurs » qui traitent personnellement avec l’office national. Pour les chevreuils il s’agit d’un certain monsieur de Bodard, résidant en Maine-et-Loire. Le cerf, lui, est réservé à madame de Gigou et à sa suite, composée généralement d’une cinquante de voitures, qui pétaradent chaque semaine sur les chemins du Gâvre. Madame de Gigou a toutefois l’amabilité de partager ses droits avec un énigmatique monsieur de Saint-Germain, du « rallye de Bretagne ».

Ces braves gens sont d’une incroyable discrétion hors période de chasse. Ils préfèrent laisser l’ONF négocier avec le petit peuple. Une seule solution pour les faire sortir du bois : ouvrir un club-house en lisière de la forêt du Gâvre pour les attirer au moment de l’apéro, et lâcher une meute d’écolos à leurs trousses. Pour voir.

*«qui regarde la chasse et les chiens » selon Émile Littré