Les chères zoophilies du conseil général
Safari personne
Ne vous faites pas rouler dans le safari. Quand vous payez l’entrée du zoo, vous avez déjà beaucoup craché au bassinet avant, via le Département et sa filiale d’aménagement.
Sans le savoir, vous êtes propriétaire d’une oreille de gnou, ou de quelques poils de queue de tigre d’un zoo qui devrait être fermé depuis longtemps : le Safari africain de Port-Saint-Père, ce parc qui fit scandale en 1994 avec sa réserve de vrais nègres, et qui remet ça avec un très controversé projet de bassin à dauphins. Pas sûr qu’on ait prévu une convention collective avantageuse pour les cétacés.
Mais déjà, en tant que contribuable de Loire-Atlantique, vous assurez la survie de ce zootomobile même si vous ne l’avez jamais parcouru en auto. Car sans les perfusions de la Sodala, Société départementale d’aménagement de Loire-Atlantique (Sem satellite du Conseil général), le Safari parc aurait bel et bien coulé, fustige la chambre régionale des comptes en octobre dernier.
Flash back : en 1979, le Département crée la Sodala en doublon avec une autre Sem qui fonctionne plutôt bien, la Sela, mais que les hobereaux du Département ne tiennent pas en coupe réglée. Si la Sela vit sans subvention, la Sodala doit ponctionner de deux à quatre millions de francs par an pour ramener les compteurs à zéro. En 1991, la Sodala, est, selon la chambre des comptes, « en situation de déficit récurrent », mais garde de la fuite en avant dans les idées, achète une grosse centaine d’hectares à Port-Saint-Père et devient actionnaire majoritaire de la société anonyme Safari Africain. Les magistrats des comptabilités publiques cherchent vainement « l’intérêt général susceptible de justifier la participation de la Sodala au capital ». Ni le Département, ni une Sem n’ont compétence pour « réaliser un investissement immobilier pour le donner à bail commercial à une société commerciale au capital de laquelle la collectivité a pris directement une participation ». L’étude de marché ? succinte. Le résultat : un autofinancement faiblard et un fort recours à l’emprunt. Un tonneau des Danaïdes, en somme. Les banques partenaires sont méfiantes : malgré une garantie d’emprunt du Département, elles n’accordent que des prêts à des taux lourdingues : 2% de plus que ce qu’elles concèdent aux collectivités territoriales.
Un mauvais payeur chouchouté
La SA Safari Africain doit régler un loyer fixe de 5,5 MF hors taxes par an, plus un loyer proportionnel au chiffre d’affaires, soit 2,3 MF en 1993. Dès le départ, la Sodala accorde illégalement un prêt, et deux ans plus tard, annule les intérêts, octroyant après coup un prêt cadeau à taux zéro. Deux ans après l’ouverture, les zozos du zoo ne payent carrément plus leur loyer à leur actionnaire majoritaire, qui ne réclame rien. En septembre 1994, les arriérés montent déjà à 3,5 MF. N’importe quel proprio normal aurait hurlé pour se faire payer sa dette. La Sodala, non. Le mauvais payeur se fait au contraire bichonner : on annule ses intérêts de retard, ses échéances sont reportées, son bail réduit. Le loyer variable, prévu à 350 000 entrées ? abandonné. Le demi million de visiteur prévu n’a jamais été atteint, la fréquentation plafonne à 300 000 entrées depuis 1994.
« Ce qui devait être une opération commerciale de nature privée est devenu progressivement, à cause des difficultés rencontrées, une opération portée exclusivement par le département de Loire-Atlantique » tousse la chambre des comptes. Aujourd’hui, le Département souhaite faire disparaître le trou sans fond qu’est la Sodala, ce qui veut dire récupérer la ménagerie de Port-Saint-Père en direct. Avec sa gueule safarinée, Luc Dejoie, le président du Département, va donc se retrouver père adoptif d’un joli troupeau de zèbres, girafes, macaques et d’une meute de loups. C’est les trois fistons de notaires qui vont être contents de partager l’héritage.