Comment virer un syndicaliste d’initiative
Mémoire d’un touriste
Dans le tourisme, il faut savoir valser. En juin 1997, le directeur de l’office du tourisme de Nantes, Jean-Pierre Chesné, était viré sans avertissement ni délai, et sans la moindre explication publique. En langue officielle, on dira alors « séparation d’un commun accord ». L’assemblée générale de l’association Office du tourisme (dont 80 % des subsides proviennent de la Ville de Nantes), expliquera comment le dédommagement du directeur – une année de salaire soit 350 000 F, en plus de ses indemnités légales de licenciement – sera assuré par une discrète perfusion, « sous forme d’une subvention complémentaire exceptionnelle versée par la Ville de Nantes », lâche aujourd’hui un administrateur.
Monsieur Pi sous pression. Jean-Pierre Chesné a été embauché en mars 1993, court-circuitant le recrutement par un cabinet de chasseur de têtes et l’annonce dans L’Express. Qui auront accessoirement coûté quelques 130 000 F pour rien. La sélection des quatre finalistes (dont le favori des technocrates municipaux) a été alors coiffée par Yvon Chotard, l’adjoint au tourisme qui marque ainsi sa résistance aux apparatchiks, en réussissant à placer J.-P. Chesné, apprécié lors du montage de l’expo Les Anneaux de la Mémoire sur l’esclavage. Quatre ans après, la technostructure municipale menée par le secrétaire général de la Ville Jean-Antoine Mathys a sa revanche. Cet incontrôlable Yvon Chotard vient d’avoir le manque de goût de se présenter aux législatives contre la socialiste Marie-Françoise Clergeau. Le score de Chotard est maigre mais pas nul : 3,14 % des voix, ce qui lui vaut le surnom vachard de « Monsieur Pi ». Sachant qu’on ne lui fera aucun cadeau, il doit se débarrasser de son protégé à l’Office du Tourisme, à qui on reproche des erreurs de gestion, l’impression d’un plan d’agglo commandée inconsidérément, et surtout le déficit des Fêtes du Belem de l’été 1996. En fait, il a manqué au rassemblement nautique 1,5 MF au budget promis surtout par la Ville de Nantes, ce qui a entraîné le désengagement en cascade des autres collectivités. Une fois que tous les marins ont remis les voiles, le déficit s’établit autour de 700 000 F. Le CRDC accuse un trou cinq fois et demi plus gros, sans que personne n’ait songé à demander l’éviction de son directeur Jean Blaise. La seule chose qui rapproche ces deux situations, c’est qu’elles n’ont rien en commun.