Gétigné enterre La Hague

Publié par lalettrealulu le

Championnat radioactif

Encore une belle performance de l’ouest. Grâce à son jeu à terre, Gétigné détrône le tenant du titre, La Hague. Gageons que dans ce coin du vignoble, le muscadet coulera à flot pour saluer l’évènement.

Repassez dans quelques millions d’années, tout ira bien. Juré, promis, la radioactivité sera réduite à rien. Mais en attendant, ça craint. À Gétigné, près de Clisson, l’extraction d’uranium est arrêtée depuis 1990 et depuis, les millésimes de muscadet ont fait mine de rien. Au sol, « les niveaux d’irradiation extérieure mesurée autour des anciennes mines d’uranium de la Cogema sont supérieurs aux valeurs relevées au compteur Geiger autour de l’usine de retraitement de La Hague »*, dit Bruno Chareyron, responsable du Crii-rad**, laboratoire d’analyse indépendant de la Cogema, de la CEA et de l’État. Et ça, c’est rien qu’autour, pas au sein même des sites radioactifs.

En septembre 1998, l’analyse a porté sur quelques mesures autour des anciennes mines d’uranium de Gétigné. Premier constat : gérant et garant du site, la Cogema sous-estime ses contrôles officiels. Non pas que les chiffres soient truqués. Simplement, les capteurs fixes ne sont pas placés aux endroits sensibles, significatifs. Et les ingénieurs officiels ne testent que l’eau courante des rivières, qui ne fait bien sûr que passer, pas du tout les accumulations beaucoup plus pertinentes dans les plantes aquatiques et les sédiments. À l’Ecarpière, la Cogema a trempé dix capteurs au fil de l’eau de la Moine et de la Sèvre sans dénicher une once d’uranium ! Alors que la Crii-rad, en interrogeant les sédiments, les a trouvé 11 à 26 fois plus gorgés d’uranium et de radium que le niveau naturel. À votre santé !

Selon ce rapport de la Crii-rad terminé début janvier, la Cogema minore donc la « contamination radiologique de l’environnement, en particulier la pollution induite par les rejets liquides et écoulements » mais aussi « les doses de radiations susceptibles d’être subies par les populations des sites soi-disant réaménagés ». On notera le « soi-disant », la Cogema se targuant d’un site modèle nettoyé de tout résidu douteux. Rassurée, la mairie de Gétigné veut aujourd’hui réviser le POS qui protégeait l’ensemble du site de toute réutilisation. Objectif : dégager 11 hectares pour les fourguer à un industriel. Alors que le site n’est pas déclassé, l’entreprise Desfontaine a déjà investi les lieux en entreposant du matériel dans les bâtiments désaffectés mais pas déradioactivés.

En fin d’exploitation, certaines mines ont été noyées. Tout devrait baigner, mais non. Il y a « des résurgences d’eaux en des endroits qui ne sont pas prévus, et induisent des pollutions très importantes », dit Bruno Chareyron. Exemples : dans la commune de Gorges, l’ancienne mine à ciel ouvert du Chardon, fermée en 1991, recrache sa mémoire au fond d’un ruisseau asséché, relevant des teneurs radioactives dix fois supérieures à la normale. À Roussay (Maine-et-Loire), l’herbe jaunie du pré en contrebas de la mine noyée de la Baconnière affiche 50 429 becquerels par kilo sec : soit 250 fois plus d’uranium 238 que si le sol n’avait jamais connu ces mauvaises mines.

Les ingénieurs de la Crii-rad préconisent une cartographie et un bilan radiologique détaillés et objectifs, des sites et des abords. Mais la Cogema, pour qui tout va bien, ne paraît pas ravie d’assurer le service après je m’vante.

Conrad Audela-Méduz

* Sans tenir compte des rejets en mer et dans l’atmosphère à la Hague.
** Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité, basé à Valence, Drôme.

Stérile en la demeure

La Crii-rad s’inquiète de la réutilisation des matériaux dits « stériles » en remblai de routes, voire de bâtiments. Vingt foid plus chargées en uranium, radium et plomb radioactifs qu’un caillou anodin, ces roches soi-disant « stériles » dispersent et propagent discrètement la radioactivité. À l’Escapière, sur la piste menant au point de rejet dans la rivière Moine, le rayonnement gamma de ces matériaux de rebut est « entre 2,5 et 7,5 fois supérieur au niveau naturel ». Le terrain d’un habitant de Saint-Crespin a été empierré avec ces « stériles » miniers. Une chape de béton de 10 cm protège l’intérieur du bâtiment mais, dehors, au pourtour du terrassement, le rayonnement gamma est 37 fois plus fort que si on avait charrié du remblai normal.