Petits arrangements entre ciel et notaire

Publié par lalettrealulu le

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Par pure étourderie, Éric Matusiak, notaire à La Baule, s’est vendu à lui-même un appartement en viager appartenant à un de ses clients atteint d’un cancer en phase terminale.

Cette affaire n’existe pas. Elle a été sanctionnée par un non-lieu au tribunal de Saint-Nazaire. D’ailleurs quand on interroge Eric Matusiak, jeune et fringant notaire à La Baule, l’animal sort son code pénal et menace Lulu de représailles. L’histoire qui suit n’est donc qu’une pure calomnie, inventée par une vieille dame terrorisée et relayée par quelques officiers ministériels jaloux qui veulent du mal à ce bon notaire. Certes, Eric Matusiak a bien été mis en examen pour « escroquerie » et « faux en écritures authentiques » mais il s’agissait d’un malentendu qu’il a rapidement réglé, en bonne intelligence avec le parquet de Saint-Nazaire. Le procureur n’est-il pas un ancien enseignant à l’école du notariat, spécialiste des épineuses questions de transmission de patrimoine ?

Éric Matusiak est arrivé à La Baule en 1993, après avoir racheté les parts de Jean Dejoie, le frère de Luc, notre bien aimé président du conseil général. Admirateur de Bernard Tapie, taillé comme un rugbyman, ce cow-boy du notariat entend bien rentabiliser au plus vite son investissement. Il trouve une occasion quelques mois plus tard lorsqu’il est chargé d’organiser le règlement de la succession d’un vieux monsieur, qui vient de perdre sa femme. Le client, atteint d’un cancer en phase terminale, a appelé à son chevet une amie, à qui il aimerait léguer quelques biens pour la remercier de son dévouement. Contre toute logique – le vieux monsieur dispose d’un confortable matelas d’économies – Matusiak lui propose de vendre son appartement en viager et d’en laisser la jouissance à l’amie dévouée. Le notaire propose comme acheteur une société vendéenne, la SCI Sauveterre, basée aux Sables d’Olonne. Sur l’acte de vente, qu’il fait enregistrer par un collègue parisien, ne figure aucune mention des associés et dirigeants de la SCI.

Le vieux monsieur décède comme prévu quelques mois plus tard. Mais ce qui se passe au ciel intéresse peu le notaire qui devient soudain très terre-à-terre. Matusiak invite la vieille dame à déménager pour aller s’installer dans une maison de retraite. Intriguée par une telle sollicitude, la famille de la vieille dame se renseigne et découvre que le notaire et l’acheteur ne font qu’un. Matusiak est en effet, avec sa copine et son frère, l’un des principaux associés de la SCI Sauveterre. Débusqué, le notaire se fait alors moins civil et entame une longue campagne d’intimidation contre la squatteuse, en lui téléphonant à toute heure, la contraignant à se mettre sur liste rouge. Terrorisée, elle appelle sa fille à la rescousse et porte plainte. Elle finira par découvrir que Matusiak a bétonné juridiquement l’opération à son profit exclusif, en supprimant notamment du contrat un article capital à l’acte de vente. Pas gêné, le notaire affirme avec aplomb aux policiers, qu’il avait informé l’acheteur de la composition de la SCI, même si aucune mention ne le laisse supposer sur l’acte. Le client mort, personne ne peut vérifier. Matusiak bénéficie donc d’un non-lieu. Juridiquement, si l’on suit la justice nazairienne, un notaire peut donc acheter en viager un bien à l’un de ses clients à l’article de la mort, rédiger un acte à son avantage personnel, payer quelques mensualités, se débarrasser discrètement de l’éventuel bénéficiaire en le plaçant dans une maison de retraite et ramasser le paquet. Voilà qui méritait bien un cours gratuit de notariat.

Catégories : N°22 – février-mars 1999