Éloge d’une patronne

Publié par lalettrealulu le

Rideau au Trois-Mâts

On devrait supprimer les bords des routes. Par une nuit d’août, ces bas-côtés ont écourté la vie d’Annie en un instant. Un bête accident de la route prive ses amis, ses proches d’une présence généreuse et chaleureuse. Et des amis, la patronne du Trois-Mâts, ce café populaire du Quai de la Fosse n’en manquait pas. Vacherie d’imparfait !

Petit bout de femme sensible, tout en spontanéité toute crue, elle avait un naturel entier, une gouaille de compteuse de comptoir, des « Fi d’putain ! » essuyant les tables et engueulant la machine à café, parfois ses amis ou clients, ce qui revenait souvent au même. Des quatre vérités pleines de tendresse pour ses semblables. Comme pour Michel, le Bordelais vendeur de Macadam qui avait fait du café son refuge ou plutôt l’annexe de son bout de rue, et plus puisque affinités. Quand il est mort, lui aussi, elle s’est occupé de ses affaires comme si ç’avait été un frère ou un fils. Avec son cœur gros comme ça, un brin écorché, Annie ne cachait pas ses saines colères, ses fêlures et ses moments qu’allaient pas. Sans jamais tomber dans le sac des résignés. Pintes de rire servies à toute heure, chaleur humaine le reste du temps. Pas si fréquent qu’un patron de café parvienne si facilement à rapprocher des passagers de comptoir quels que soient les âges, les tempéraments, le niveau social. Sans elle, on ne se serait que côtoyé, salut, ça va ? Allez à la prochaine…

Dans ce café à petits tarifs, rien n’était cher, sauf les clients, chers à la patronne. On essayait de le lui rendre au mieux. Voilà Lulu orphelin de bistrot. Vacherie de présent.