Sale temps chez les Maîtres du temps
Chronopostés
Les “Maîtres du temps” ont le temps de regarder la télé. Et de s’en servir pour licencier à sec leurs salariés un peu trop revendicatifs.
Au programme, un mouvement de grève chez Chronopost, portant sur les salaires de cette filiale privée de La Poste, dans la nuit du 15 au 16 février. Les reporters de M6 se pointent sur les lieux et filment pendant quelques minutes le piquet de grève. Pas de chance, au même moment la voiture du directeur commercial sort de l’agence de Nantes : ouverture et fermeture des grilles par les grévistes, avec pose symbolique de chaînes, traditionnelle sur tout piquet de grève. C’est cette scène qui sera innocemment diffusée par M6 dans son journal, 17 petites secondes d’info qui coûteront leur emploi à quatre salariés grévistes de Chronopost, pour faute grave, enfin surtout pour être les seuls grévistes identifiés sur la bande vidéo. Un cinquième gréviste identifié, délégué du personnel, a eu chaud : son licenciement a été cassé par l’Inspection du travail, au motif que la direction de Chronopost s’y est prise comme un pied. Non seulement les quelques secondes diffusées par M6 ne sont pas suffisantes pour accabler un seul gréviste sur une dizaine présents cette nuit-là, mais le constat d’huissier a été rédigé avec quelque légèreté… Et n’a même pas été signé par l’officier ministériel. Pire, ces pièces n’ont pas été présentées lors de l’entretien préalable de licenciement, portant ainsi atteinte aux droits de la défense.
L’objectif de Chronopost vise à décourager coûte que coûte tout mouvement social dans cette vitrine ultra-libérale de La Poste. Preuve en est l’entrefilet publié dans son bulletin interne d’avril, annonçant sans perdre de temps les licenciements pour faute grave. Pour l’exemple en somme.
Devant les prudhommes, l’avocat de Chronopost a eu gain de cause, pour vice de forme : les quatre salariés licenciés avaient omis de préciser leurs dates de naissance et commis l’erreur d’assigner collectivement leur employeur. Ils ont décidé de renouveler leur assignation, de façon individuelle cette fois-ci.
Quant au délégué syndical, s’il a pu réintégrer Chronopost, il subit depuis un harcèlement moral continu. Les “Maîtres du temps” n’ont pas de temps à perdre.