Traitement au noir
Black out
En recopiant l’histoire notre dessinateur s’est trompé. Recherchez six millions de morts dans des images de matelots.
L’Histoire de la Bretagne en BD de l’ineffable Reynald Sécher et de l’ineffaçable René Le Honzec a bien des faiblesses de mémoire. Outre la Shoah oubliée et le nationalisme breton pro-nazi lavé de tous soupçons, la BD traite très elliptiquement du commerce d’esclaves, qui a fait la fortune de Nantes. Rien en images, juste des mouettes, des navires et des marins de chez nous. Deux noirs pourtant, mais pour dire que, “à Nantes, 7 manufactures soit 5 000 ouvriers, tissent pour l’Afrique”. Pas d’Africain enchaîné, pas de plan des cales où sont entassés les esclaves pour les Antilles. L’histoire s’est habillée proprette. Le texte se limite à aborder l’enrichissement de Nantes “grâce au commerce triangulaire”, une autre vignette notant que “la traite des Noirs représente 17% du trafic” vers les Isles qui évoque surtout sucre, épices et toile comme marchandises. Ah, que l’histoire était jolie. Capitale française du trafic négrier, Nantes est le dernier port à pratiquer la traite clandestine après l’abolition de l’esclavage, mais ça la BD n’en dit rien. Pas un mot sur les “six millions de morts pour privation et mauvais traitements” rappelés par le Sénégalais Joseph N’Diaye, conservateur de la Maison des esclaves à Gorée, de passage à Nantes début juin. Pourtant coutumier des idées de génocide et “mémoricide” dans ses écrits sur les guerres de Vendée, Reynald Sécher a fait l’impasse sur les victimes du système négrier. Mais il est vrai qu’en bon français, on dira que la marchandise ne meurt pas, elle se perd.