Halte à l’embourgeoisement des prolos
Paillotisme
Un camping de Pornic a construit en douce un lotissement de cahutes en dur. D’absurdes tracasseries de papier tombent sur des chalets qui n’existent tout simplement pas sur le papier.
Le camping sans toile, dans des murs en dur, menaçait l’authenticité des vacances populaires. Un coup d’arrêt à cette dérive pourrait bien être donné à Pornic, où 37 chalets hors-la-loi sont menacés de démolition. Le camping de la Boutinardière offrait jusqu’ici une prestation rare : la location de cabanons sauvages. Sur le papier, ses 37 chalets n’existent pas. Absents du cadastre, implantés tout prêt de la plage, sur une zone que le plan d’occupation des sols a décrété non constructible, édifiés sans le moindre permis de construire, ils font pourtant le plein de touristes depuis 1990, loués jusqu’à 3900 F la semaine en haute saison. Début juillet, un brigadier de police municipale a dressé procès-verbal contre ces 37 chalets de bois, toiture en tuile ronde, soubassement béton, raccords d’eau, d’électricité, tout à l’égout. 37 édicules de 42 m² chacun, couchés sur le PV. Sans parler des extensions sauvages sur des terrains pas autorisés au plantage de sardine ni à la station de caravanes. Troublé de tant d’infractions, le brigadier en a oublié de signaler le bloc en dur de sanitaires et douches. Pressé par l’antenne locale de l’association SOS environnement, le maire Philippe Boënnec a du ordonner ce constat et porter plainte en juillet, mais il peut difficilement prétendre découvrir ces constructions puisqu’elles figurent en photo sur les dépliants de son office de tourisme. L’acte de vente du camping, qui a changé de propriétaire en 1996, inclut les 37 constructions sans permis. Il a été établi et signé par Charles Leroux, notaire mais aussi maire-adjoint aux travaux et services techniques. Quant au premier propriétaire, Louis Roi, qui fut au comité de soutien de Boënnec lors de son élection en 93 et resoutient le même pour les municipales, il refuse royalement de répondre à la moindre question.
Tout ceci fait beaucoup de regards détournés pendant dix ans pour 1554 m² bien bâtis mais manquant un brin de légalité. « Des faits antérieurs à ma responsabilité de maire, dit Philippe Boënnec (qui était pourtant premier adjoint lors de l’édification sauvage). J’attends la décision des juges, pour faire appliquer strictement la loi. Si le tribunal dit qu’il faut démonter les installations, je le ferai, mais le principe d’antériorité fait qu’elles sont là. Je ne sais pas si c’est vraiment illégal. » Le délai de prescription de trois ans pour les suites pénales est en fait de trente ans pour les constructions.
Au même moment à Nivillac, dans le Morbihan, l’accord donné par le maire de construire en 1995, sans permis de construire, seize cabanons dans un centre équestre en zone non constructible a vu les services de l’Équipement porter plainte. Le préfet a demandé la démolition. Comme le procureur à l’audience du 19 octobre. Décision en délibéré.
Propriétaire du camping de la Boutinardière depuis début 1996, Sébastien Devillairs affirme détenir toutes les autorisations municipales requises, mais refuse de les montrer. « Cette plainte n’a pas lieu d’être. Il fallait le faire il y a dix ans, se lamente-t-il à Lulu. C’est trop facile, de revenir là-dessus, si longtemps après ! On veut bien être dans la norme mais faut pas pousser le bouchon. Sinon on fermera en mettant quarante personnes au chômage. Ce qui fera autant de taxes locales en moins…» C’est pas beau de menacer de mettre sur le sable une station balnéaire.
Pépé la Sardine