Ayrault : le mensonge qui le ronge
Soixantehuitardif
Il y a peut-être, pour un homme politique de gauche, pire que le trotskysme mal digéré. Plus insoutenable que le passé inavouable. Il y a la honte d’avoir trahi la confiance de ses proches, de la presse et donc du peuple de France.
Son sourire angélique n’arrive plus à cacher le drame intime que vit Jean-Marc Ayrault. Ce parangon de morale a sciemment menti en réécrivant sa biographie, en truquant tout un pan de son passé jusque là sans taches. Ses concitoyens qui viennent de lui réaccorder leur confiance ont été trompés, dupés, trahis, roulés. Comme les citoyens américains ont pu douter de Clinton, l’opinion est en droit de s’interroger sur la probité du maire de Nantes qu’on appelait hier encore bien naïvement « le Kennedy de l’Ouest », ou, plus grave, du président de la nouvelle communauté urbaine et, pire, du président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale.
Difficile à ce jour de mesurer les conséquences politiques d’une telle légèreté. Elles seront de toutes façons considérables. Jean-Marc sera-t-il obligé de démissionner de tous ses mandats ? Devra-t-il quitter la ville en catimini ? Supportera-t-il son reflet traître dans le rétroviseur de sa Safrane de fonction ? À l’heure où nous mettons sous presse, aucun éléphant, aucun cacique, aucun simple militant du PS n’a encore rien dit, ce qui en dit long sur le malaise qui éclabousse toute la social-démocratie de notre pays. Le député Arnaud Montebourg lui-même semble sans voix.
Brigitte complice
Pire, nous sommes contraints, pour une fois, de déroger à la stricte règle du respect de la vie privée de nos dirigeants pour poser la question : et Brigitte, dans tout ça ? Brigitte Ayrault, qui fut elle-même longtemps élue du peuple, investie de la confiance de ses mandants, savait tout depuis le début puisqu’elle connaît son Jean-Marc depuis les bancs de l’école. Admirons au passage la solidité exemplaire de ce couple abîmé dans la tourmente, mais, parce que nous le devons, inquiétons-nous de cette terrible stratégie du silence.
Les faits ? Ils sont implacables. La duplicité de Jean-Marc Ayrault est d’autant plus grave qu’elle remonte à son adolescence, comme chacun sait période particulièrement structurante de la personnalité. Car l’affaire touche à l’engagement politique du lycéen Ayrault Jean-Marc. Interrogé par L’Hebdo de Nantes avant les municipales*, il n’a pas hésité à déclarer : « La genèse de mon adhésion (au parti socialiste) remonte à 1968. J’ai vécu un choc collectif et personnel avec les événements de 68. À distance, bien sûr, je n’ai pas été directement mêlé aux événements, puisqu’à l’époque, j’étais au lycée de Cholet. J’étais d’ailleurs au comité d’action lycéenne ». C’est cette dernière phrase qui tache à tout jamais l’honneur du maire de Nantes.
Lulu a rencontré un rescapé, rare survivant de cette époque troublée. Cet homme, dont nous tairons le nom pour des raisons évidentes de sécurité, se remémore parfaitement l’attitude exemplaire de l’élève Ayrault durant mai 68. La gorge nouée, il témoigne : « Ayrault n’a jamais participé à l’occupation du bahut par le comité d’action lycéen. Forcément, puisqu’on ne l’a jamais vu ! Il est resté consigné chez ses parents, à quelques kilomètres de Cholet, pour réviser son bac. » Alors à l’internat du lycée Colbert de Cholet, le futur maire de Nantes s’est en réalité laissé lock-outer par les authentiques acteurs de ce mai potache en Mauges. Un planqué devenu révisionniste avec l’âge : nier son propre bachotage, c’est ça le vrai sens de la révision.
Jacques Sauvageon
* 7 mars 2001