Poulet vinaigre à la motarde
Groscubisme
Le port du béret est déconseillé dans l’enceinte des commissariats. Le couvre-chef risque de monter à la tête des chefs.
Elle l’ignore, mais la fédération des Motards en colère a une section en uniforme. Dans la police. La brigade motocyliste de la police nationale nantaise mérite d’y adhérer après avoir connu quelques mois bousculés, ses flics posant le casque pour en venir aux mains entre eux. Les noms d’oiseaux ont aussi volé très bas chez ces poulets à roulettes. Rapports et contre rapports ont nourri la chronique de la pétaudière pendant des mois. Finalement, un gardien de la paix désigné comme fauteur de troubles a été autoritairement viré de la brigade. Simple gpx (gardien de la paix en jargon flicard) Gérard Landry affirme, sans pouvoir le prouver, qu’il est l’objet d’un retour de bâton, après s’être expliqué un peu vivement sur des questions religieuses avec son chef, le lieutenant Dominique Juge, animateur local de l’association « Police & Humanisme » dont les quelques membres se revendiquent d’abord chrétiens avant d’être policiers. Si ça continue, on aura bientôt des flics chasseurs, carnivores ou boxeurs qui une fois leurs marottes et convictions assouvies, daigneront œuvrer comme policiers républicains. Mais bon.
Ses chefs rétorquent que le motard Landry a d’abord des « problèmes hiérarchiques et relationnels » avec ses collègues dont beaucoup ne veulent pas travailler avec lui. Son attitude sur la voie publique manquerait de courtoisie envers les quidams contrôlés. Il roulerait des mécaniques puisqu’on lui reproche des « positions avantageuses », le regard assombri par des ray-bans. Pire, ce motard désigné comme « provocateur » serait « soupçonné de cibler certaines catégories d’usagers de la route, véhicules plutôt haut de gamme ou appartenant à la hiérarchie policière ». Un genre de Mandrin de la flicaille. C’est vrai, il a déjà verbalisé une voiture de commissaire mal garée à côté du Desaix, un bistrot voisin du commissariat. En oubliant de demander à qui appartient cette tuture perso. Pire, on lui a reproché de « porter ostensiblement un béret et une écharpe au ton criard, déambulant ainsi dans le service en affichant un sourire radieux ». Édifié par ce sens de la « fronde » et de la « provocation », le très chrétien lieutenant Juge se sentit conduit « à douter de l’équilibre psychologique » du motard Landry, envoyé devant le toubib de l’administration qui le déclare pourtant « apte au service » en ajoutant : « Le comportement allégué ne relève pas d’une prise en charge médicale mais est à gérer au sein du service ». Une motion signée par huit collègues motards qui soutiennent Landry y voient « plus le reflet d’un malaise général que de fautes réellement imputables à ce collègue et souhaitent sa réintégration dans le cadre d’une meilleure concertation entre la hiérarchie et le personnel ».
Le syndicat SGP-FO qui défend le gpx Landry crispe la situation*. Après avoir tenté de lui retirer sans raison son homologation motocycliste et lui avoir confisqué son arme de service sous prétexte d’une illusoire réparation du pétard, c’est finalement l’administration centrale qui sanctionnera le motard d’une « mutation dans l’intérêt du service » comme simple flic. Il était temps que chacun revienne au bon vieux gardiennage de la paix.
* La méthode et le ton adopté pour défendre ce motard n’ont pas vraiment réussi au syndicat qui vient de perdre son unique siège aux dernières élections professionnelles du comité technique paritaire.