Ne dites pas à ma mère que je suis dircom à la mairie, elle me croit écrivain chez Siloë

Publié par lalettrealulu le

Dircomique

Guy Lorant, directeur de la com’ à Jean-Marc, vient de pondre un opuscule finement intitulé Réflexions d’un dircom qui se demande si la communication vaut bien la peine d’être vécue. Depuis le temps que Guy Lorant vit de la com’, on pourrait se demander, vu la longueur du titre, si tout n’est pas dit dès la couverture. On aurait tort, car le subtil « dircom » nous offre un roman à clefs qui ira droit au cœur du petit monde politico-médiatique nantais. Et l’insinueux sait y faire pour serpenter entre les lignes et distiller son venin.

Ainsi des journalistes, ces « plumitifs schizophrènes » chez qui il décèle « une confusion entre la personnalité de celui qui en est atteint et celle de ses interlocuteurs, ministres, députés…» Leur reproche-t-il cette confusion ? L’audacieux ne le dit pas. Sans doute une séquelle de sa vie antérieure de… journaliste !

Ainsi de ses collègues de la mairie, qu’il ne nomme jamais mais que les mauvais esprits reconnaîtront : faut-il deviner, par exemple, derrière le « personnage tout en gris (…) jusqu’à ses idées » l’éminent Jean-Louis Gentile, conseiller spécial du bourgmestre ? « Énarque souvent, technocrate toujours, spécialisé dans la tactique, qu’il se plaît à prendre pour de la stratégie, son métier de conseiller du prince l’auréole d’un prestige qu’il aime à entretenir, ne connaissant qu’un maître, autour duquel il n’hésite pas à faire le vide, pour consolider sa lourde tâche, incompatible avec toute forme de concurrence. » L’aimable portrait n’a rien à envier avec celui des élus affligés d’une « hypertrophie du nombril », qui se manifeste « chez des hommes atteints d’une proéminence ventrale facilitant le port d’une écharpe », distinguant mal « la différence entre une séance de réception sous la Coupole et un discours pour comice agricole»… Les ventrus qui ont eu à ânonner les discours écrits par Guy Lorant se compteront. Malin, Guy Lorant n’oublie pas de se gratifier d’un chapitre où il narre sa névrose : « Aussi brillant que superficiel, (…) il souffre d’un mal terrible : la déprime de l’ayatollah, qui le rend l’ombre de lui-même.» Une ombre mise en lumière dans ce livre joliment écrit, auquel il ne manque peut-être qu’une page : « Le lumbago de la courbette », encore que Guy Lorant n’oublie pas de conclure un chapitre d’un tonitruant « Merci, Monsieur Ayrault !» Il fallait bien qu’un nom fût donné… N’oublions pas qu’il reste à son auteur encore quelques années à tirer à la mairie.

* Réflexions d’un dircom, Guy Lorant, éd. Siloë, 244 p., 100 fr.