Hutin pêche le dauphin

Publié par lalettrealulu le

Agecanonix

La nouvelle ne devait pas être rendue publique tout de suite. Mais François-Régis, le bienheureux patron d’Ouest-France, 72 printemps, a réalisé fin novembre que son immortalité avait peut-être des limites, à l’annonce de la mort de Jean-Pierre Coudurier, 76 ans, son alter ego du Télégramme de Brest. Sonné, François-Régis, qui cultivait des relations amicales avec son concurrent, a tenu à annoncer rapidement la nomination de son successeur, Francis Teitgen, 49 ans, actuel bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris. Le jeune homme, qui se retrouve bombardé à la tête du premier quotidien français (42 éditions, 800 000 exemplaires) n’est pas un inconnu de la famille Ouest-France. Fils de son père, feu Pierre-Henri Teitgen, l’un des fondateurs du quotidien en 1944, vieil ami de la maison Hutin, cet avocat d’affaires a participé en 1990 au montage juridique censé protéger le quotidien « de l’appétit des puissances de l’argent ». Il a également défendu avec succès les actuels dirigeants contre la famille Amaury (propriétaire du Parisien et de L’Équipe) qui contestait ce singulier montage. La rédaction semble accueillir avec bienveillance cet héritier désigné qui partage les convictions « philosophiques, politiques et religieuses » de son aîné. L’impétrant serait même doté d’une plume plus alerte que François-Régis (ce qui n’est, entre nous, pas une grosse performance). L’homme se pose, en tout cas, en défenseur des ardents défenseurs des libertés individuelles, comme en témoigne son premier édito, publié le vendredi 7 décembre à la une du journal et qui débute par une phrase que l’on imagine soigneusement pesée : « L’idéologie sécuritaire souffle comme un mauvais vent sur la société française.»

S’agit-il de caresser dans le sens du poil une rédaction qui penche quelque peu à gauche, ou de témoigner d’authentiques convictions ? L’avenir proche le dira, comme dirait l’autre. Et Jeanne-Emmanuelle dans tout ça ? La sainte fille de François-Régis serait tout simplement décalée d’une case dans l’ordre de la succession, et profiterait du règne de Francis pour apprendre « son » métier, comprenez celui de grand patron. Ouest-France a beau être chapeauté par une « association pour le soutien des principes de la démocratie humaniste », la maison reste quand même une propriété privée, soumise aux bon vieux principes de la succession héréditaire.