La hantise de l’amiantécédent

Publié par lalettrealulu le

La tour, prends garde

Vingt ans à respirer de l’amiante dans les bureaux, une belle histoire à raconter à ses petits enfants. Pour contredire cette version, certains gougnaffiers sont morts avant.

Un léger différent entre les manitous de l’Insee et le personnel a poussé l’intersyndicale à accuser les dirigeants de la maison d’user de « méthodes de gangsters ». Diffusés par tracts, ces propos regrettablement exagérés arrivent deux ans après la promesse de la direction de mener une étude sur l’exposition à l’amiante des salariés passés par la tour « Tripode » de Beaulieu, désaffectée depuis 1992*. Déjà, deux électriciens, Maurice Concher et Martial Gérin, sont morts d’avoir tripoté les gaines gorgées d’amiante de la tour. Morts, d’accord, les instances sollicitées pour reconnaître cette vacherie comme maladie professionnelle veulent bien l’admettre. Mais de quoi, alors là… Selon eux, rien ne prouverait qu’ils soient plus occis par l’amiante que par, disons le tabac, où peut être la pollution des mobylettes, le passage du nuage de Tchernobyl ou un mauvais concours de circonstances. Finalement, malgré toutes les réticences de certains chefs et médecins aux ordres, la maladie professionnelle a pourtant été admise par une expertise ordonnée par la direction de l’Insee. Patatras : contre toute attente, à moins que tout ait été manigancé à l’avance, cette reconnaissance a été purement et simplement refusée par le service des pensions du Ministère des Finances, sans autre forme de justification.

Après avoir tanné pendant des années sa direction, l’intersyndicale avait fini par obtenir, l’an dernier, le principe d’une enquête épidémiologique sur l’ensemble du personnel en poste dans la tour pendant vingt ans de service, et une expertise particulière pour ceux qui ont été exposés, personnel de service et ouvriers. La première a été sabordée en montant un appel d’offres auquel la seule équipe médicale apte à faire le boulot, celle de l’Institut de veille sanitaire, ne pouvait répondre. « Depuis deux ans, notre ministère joue la montre, tant il a peur de la vérité que l’étude épidémiologique risque de révéler et tant il craint de créer un précédent en reconnaissant un cas de maladie professionnelle », insistent les syndicalistes. Ce qui fait des fonctionnaires des macchabées moins bien traités que les victimes de l’amiante du privé. Que le diable les tripode.

* Le Tripode dont personne n’a voulu a finalement été racheté 0,15 euro (l’ex-franc symbolique) à l’automne 2001 par la communauté urbaine de Nantes, qui doit le raser après l’avoir désamianté. Mais ici, on ne rase pas gratis. Estimés à 5,41 millions d’euros hors taxes, deux ans de travaux sont prévus à partir de septembre 2002.