Un blockhaus s’écrase sur Waldeck
Sirènes apéritives
Le ministère de l’Intérieur veut construire un bunker de 145 m de long à la place de l’actuel commissariat central. Que fait la police de l’architecture ?
Sauve qui peut ! Les riverains de la place Waldeck-Rousseau, où siège le célèbre commissariat central de la bonne ville de Nantes, ne savent plus s’ils doivent fuir ou organiser la résistance face au projet monstrueux que leur prépare le ministère de l’Intérieur : un bâtiment de 145 m de long, juché sur un sabot de 4,3 m de haut (pour prévenir les attentats) et s’avançant de 30 m sur l’actuelle place Waldeck. Ce monument de béton offrira « un front bâti fort » pour symboliser la puissance de la police. Le problème c’est qu’avant de faire peur aux délinquants, il terrorise l’ensemble du quartier qui risque de voir singulièrement dénaturé son environnement, pour l’heure jalonné par le pont de la Motte Rouge et les rives de l’Erdre.
Imbriqué dans un quartier déjà copieusement urbanisé, ce nouveau commissariat va sucrer une bonne partie du seul espace public existant dans le secteur. « Outre la suppression des places de parking, qui étaient utiles à tout le monde, nous allons inévitablement subir un accroissement des nuisances, comme la multiplication des sirènes (des voitures de patrouille) au moment de l’apéro », s’inquiète une riveraine.
Elle n’est d’ailleurs pas la seule à s’inquiéter du projet puisque le commissaire-enquêteur chargé du dossier, qui a dû boucler son enquête publique avant la réalisation de la plus petite esquisse, se montre lui aussi particulièrement dubitatif. « Je partage entièrement les craintes évoquées, d’autant qu’il n’y a aucune esquisse du projet », relève-t-il au chapitre « conséquences de la construction ».
B. Pousset, pour ne pas le citer, conclut étrangement son rapport par un « avis favorable » au déclassement partiel de la place Waldeck-Rousseau, « sous réserve que le projet architectural puisse être refusé si les nuisances apportées sont jugées trop importantes pour l’environnement de cette place.» Jugées par qui, maintenant que l’enquête publique est terminée ? Mystère et boule de gomme. En tout cas, pas par les riverains qui n’ont plus que leurs yeux pour pleurer devant des esquisses du blockhaus. Bien joué. La prochaine fois, il ne reste plus qu’à faire l’enquête publique avant même que le moindre projet ne soit déposé. Histoire d’étouffer la contestation dans l’œuf.