Sous les pavés, le bagne
Nuit de Chine
Le nouveau péril jaune est gris. Le granit de Chine envahit nos sols. Que fait la police des couleurs ?
C’est comme si la muraille de Chine s’était émiettée, portée par le vent jusqu’à nos contrées. Les travées du tram, les rues piétonnes, toute la place Bretagne, tout ça c’est du bon granit mondialisé et bridé. Venu de Chine précisément, premier producteur mondial de granit. Importé de l’Empire du Milieu, ce pavé arrive en France un tiers voire moitié moins cher que son homologue à chapeau rond. Les statistiques 1997 du Bureau international du travail évaluent à « 2,5 millions d’enfants casseurs de pierre âgés de 5 à 14 ans ». Tous cailloux confondus.
Jean-Luc Hennebel, patron de la société Pelé, basée à Montreuil-sur-Ille (35), n’exploite pas de carrière mais importe du granit du Brésil, d’Inde, de Chine, d’Afrique du sud pour ses monuments funéraires. Dans les usines de ses fournisseurs en Inde et en Chine il a vu des ouvriers pieds nus, et des enfants de 14 ans. Mais pas de 8 ans !* On respire. Il dit croire aux bienfaits de chartes éthiques sur les lieux de production, tout en soulignant qu’on ne peut pas imposer des critères occidentaux à ces travailleurs lointains. En terre d’Armor, le granit que l’on croyait enraciné, aussi pure souche breton que la coiffe bigoudène ou le crachin brestois, est en crise. Mais c’est pour le bien des budgets publics. Des économies ici, du travail pour les mômes là-bas : ce qu’on appelle faire d’une pierre deux coups.
Cité par le site novethic.fr, le 5 mars 2003.