La grande lessive récure la détresse

Publié par lalettrealulu le

Procterologie

Pour offrir un bout de gouttière à un pauvre, vous reprendrez bien un baril de lessive.

La caisse enregistreuse lave plus blanc. La Fondation de France des Pays-de-la-Loire encourage à acheter des produits du lessivier américain Procter & Gamble. Une bonne action via le tiroir-caisse des supermarchés « partenaires ». En consommant des vizirettes, des cadeaux Bonux, des couches Pampers ou du Monsieur Propre plus qu’il n’en faut, un peu de la misère du monde s’en trouvera soulagée, et le marketing, l’image et les profits des gentils actionnaires de P & G par la même occasion. Le leader mondial de la lessive blanchit son image au passage. Elle est pas belle, la vie ? À chaque achat, dix centimes d’euros financent ‑après avoir retenu les frais de structure de la Fondation- des actions envers les mal logés.

Rappel : cette antenne de la Fondation de France est menée par un Mr Propre notoire, un dénommé Jean Cuvelier, ancien directeur général des services de la Région, entâché par une sale affaire d’avantages persos octroyés aux frais de la princesse. On a alors reproché au haut fonctionnaire de s’être payé du linge de maison, des alcools pas vraiment de fonction, de la vaisselle d’apparat et autres babioles de train de vie sur le compte du contribuable. C’était sous l’ère Guichard. L’ancien temps, quoi.

La dernière semaine d’avril, l’opération prônée par la Fondation s’appelle « Du soleil dans les murs ». Pour donner aux « plus défavorisés », il faut donc enrichir la Procter et Machin. D’ailleurs on ne dit pas multinationale, mais société de bienfaisance de l’humanité. Au début des années 1990, la firme a fermé trente sites et foutu à la porte 13 000 salariés dans le monde, soit 12 % de son effectif. Toujours bon pour la cote à Wall Street. En 1993, elle s’octroie pourtant un milliard de dollars de bénéfices*. « Nous devons licencier pour continuer à être compétitif », déclare une porte-parole de Procter & Gamble à Cincinnati, répondant à Michael Moore dans son film The Big One. En 2001, rebelote : 9600 licenciements. Accessoirement, Procter & Gamble déclenche les foudres des associations britanniques et américaines de défense des animaux, reprochant à la firme d’inutiles et cruelles expérimentations animales pour tester ses cosmétiques. Mais bon, on va pas chipoter alors que la multinationale fait de louables sacrifices pour que son chiffre d’affaires engendre le bien des pauvres.

L’opération a une marraine, Véronique Jeannot, « particulièrement sensible à la détresse des personnes fragilisées », paraît-il. Consommez, consommez, il en restera toujours quelque chose. Lavez votre linge quatre fois par jour, lessivez par terre matin, midi et soir, c’est bon pour détresser les fragilisés.

* « La Fondation de France se penche sur l’accueil des vieux présumés », Lulu n°37.
** La Tribune,
7 juin 1999.