Y’a pas photo
Luxe en bourg
Pied-à-terre lumière. Vous avez aimé le premier épisode*. Vous allez adorer la suite…
« Amener l’art dans les quartiers », ou plus exactement dans les « territoires urbains dans toute leur diversité ». Un vrai credo. Dans une belle envolée, l’adjoint à la culture de Nantes Yannick Guin a dit** tout le bien qu’il pense de sa politique culturelle dans les quartiers. Parmi les actions citées en exemple, figurait en bonne place le travail de Rut Blees Luxemburg, une photographe anglo-allemande en résidence dans la cité Bellevue et auteur d’une œuvre d’art contemporain sur le thème de l’eau.
Pied-à-terre lumière est une œuvre d’art dans un cadre : celui du développement culturel « des territoires » si cher à Yannick Guin, hors des « structures bourgeoises ». En décembre 2001, Nantes-Passion annonçait l’installation du caisson lumineux dans les deux premiers mois de 2002. Un an plus tard, l’image a failli servir de carte de vœux à la communauté urbaine. On y croyait toujours. De retards en aléas, ce pied-à-terre tourne au tel feuilleton de galères qu’on se demande si la notion d’échec n’est pas le vrai thème du travail de l’artiste. Ces problèmes, la dernière Lettre culturelle – l’organe de la mairie qui recense les actions culturelles menées dans les quartiers nantais – les enterre soigneusement.
Explications. À la fin de l’an dernier, la photo au centre de l’œuvre sombre sous les infiltrations d’eau de pluie. Qu’à cela ne tienne. La Communauté urbaine, promoteur du projet via la Semitan, commande à l’artiste un retirage. Ordre est passé aux collaborateurs de l’artiste qui livrent sans tarder une nouvelle copie grandeur nature. Rappelée sur le pont fin mars, la société chargée des travaux, Enseigne 44 prend bien soin, cette fois, de peaufiner le boulot : joints d’étanchéité ad hoc, plafond refait à neuf, plaque de verre scellée… La présentation officielle aux habitants n’est plus qu’une question de semaines.
Sauf que dans le caisson lumineux, ce n’est pas Pied-à-terre lumière qui s’y trouve, mais une autre photo en noir et blanc, surtout en noir d’ailleurs. Un faux, quoi ! Sans aucun rapport avec la belle coulée du fleuve initialement prévue. Furieuse d’avoir encore été victime de tant de précipitation, et en attendant l’œuvre originale, la Semitan a planté une nouvelle planche de contreplaqué sur le trou béant. On y verra ce qu’on voudra. À Bellevue, la culture a quartier libre.
* « L’œuvre d’art victime des précipitations », Lulu n°39.
** Ouest-France, le 2 juin 2003.