Fainéant, c’est pas un métier facile

Publié par lalettrealulu le

Comment dit-on déjà : salaud de pauvre, moins que rien, tire au cul ? Ou simplement chercheur d’emploi ?

Les gens veulent plus bosser. Raffarin et ses sbires le disent à qui mieux mieux. Et on ne peut pas encourager indéfiniment cette faignasserie assistée à qui pire pire. Le baron du Medef jubile qu’on ait enfin “sifflé la fin de la récréation”.

Un exemple récréatif. Chômeur, handicapé habitant à Rezé, Jean-Pierre* s’est vu proposer du boulot par son ANPE. Bingo ! Le labeur en question est vraiment tentant : il s’agit d’aller récurer les bassins de la piscine de l’Ile Gloriette, pour le compte d’une entreprise de nettoyage sous traitante de la Ville de Nantes. Les horaires sont super : de 5 h du mat’ à 5 h 45, trois bons quarts d’heures de gratte-piscine par jour avec 40 minutes de trajet, 6 jours sur 7, soit un total mirifique de 4h par semaine. Sous-traitante de la piscine municipale, l’entreprise de nettoyage CNH dit payer ses techniciens de surface 7,43 euros brut de l’heure.

Claude est secrétaire de formation, et cherche du boulot depuis un an. Elle n’a plus d’indemnité Assedic depuis le dernier réveillon de la St Sylvestre. Comme elle n’a pas travaillé assez depuis dix ans , elle n’a pas droit à l’allocation spécifique de solidarité. Sans ressources, elle est prête à prendre tout ce qui se présente. Début janvier, une annonce à l’ANPE pour un “poste aide cuisine/ plonge” au CAT du centre de gros à Nantes, dépendant de l’association Adapei. Un CDI à mi-temps, de 10 à 15 heures. “Mission : réchauffer les plats livrés en liaison froide, servir les usagers au self, effectuer la vaisselle et le nettoyage de la cuisine”. Tout ça toute seule pour cent personnes à déjeuner. Pas question de traîner en route. Et c’est payé un quart de poil au-dessus du minimum, 7,20 euros de l’heure, soit le smic arrondi au centime supérieur. Sympa. Après une première sélection, elle est nominée. Oh joie. Entretien avec le dirlo du CAT qui lui propose une EMT. Une quoi ? Une évaluation en milieu de travail, alias stage d’essai pour pas un rond. La formule existe, mais n’est utilisée qu’à la demande des chômeurs, pour faire un test dans un secteur qu’ils ne connaissent pas, histoire de tâter le terrain d’une reconversion. 

L’évaluation a lieu dans un autre CAT, à Saint-Julien-de-Concelles, à 40 bornes du domicile de Claude. N’étant pas indemnisée par l’Assedic, elle n’a pas droit à la prise en charge des frais de déplacement de cette semaine à l’œil. L’essayeur, royal, ne verse aucun défraiement. Il fait juste dire par sa secrétaire que c’est à prendre ou à laisser. Elle a laissé. Pas les moyens de se financer 400 km pour une semaine de test gratuit. D. Richebœuf, le directeur du CAT explique, déçu, que l’ANPE a refusé de lui accorder ces EMT : “Je suis assez sensibilisé au public en difficulté. C’est dommage, dit-il sans rire. L’ANPE m’a répondu que la période d’essai est déjà prévue dans le contrat de travail”. À tout moment, le premier mois, il peut effectivement débaucher définitivement ses serveuses-plongeuses-chauffe-plat-femmes de ménage. Seul détail qui change : il doit les payer. Pour clore ce pitoyable recrutement et signifier que “votre candidature, bien qu’intéressante, n’a pas été retenue”, il a écrit à la jeune femme une lettre circulaire qui commence par “Monsieur”. Ça fait toujours plaisir.

Matthieu*, lui, a décroché une formation en menuiserie, à La Roche-sur-Yon. L’Assedic lui a écrit pour lui signifier que sa “demande d’aide à la formation est acceptée”, ce qui lui refile royalement une allocation pour frais de transports “d’un montant journalier de 0,14 euros” pour un trajet aller-retour de 140 km, soit 3,64 euros mensuels tous ronds, sur quoi sont déduits 0,07 % de cotisation sociale. Mais attention, faut pas abuser, l’aide “sera versée dans la limite d’un plafond de 200 euros par mois”. Il y a vraiment de quoi sauter au plafond. Ce qui n’empêche pas l’Assedic de préciser que ces montants ne seront versés qu’en fonction de l’assiduité, et qu’il pourra être exigé “à tout moment les justificatifs des dépenses engagées”. Engagez-vous, qu’ils disaient.

* Les prénoms ont été changés.