Le marchand de sable est paré

Publié par lalettrealulu le

Plan de carrière

Comment creuser un trou dans l’eau pour boucher un manque de plage. Un joli fric frac qui mérite de sabler le champagne.

La Baule regarnit sa plage. Fragilisée par les entrepreneurs du BTP baulois qui y ont pioché allégrement dans les années 60 à 70, la plage perd régulièrement des tonnes de sable emportées par la marée. Les 215 000 mètres cubes de sable charriés jusqu’à fin avril par camion ne sont pas tombés du ciel. Ils ont été extraits en mer, dragués à quelques encablures de là, sur la concession du Pilier accordée en 1998 pour une durée de vingt ans sur 8 km² devant Noirmoutier. La seule du genre entre Brest et La Gironde. Débutée en 1985 sur une étendue quatre fois moindre, cette “concession de granulats marins” considère la mer comme une vulgaire carrière, au mépris des dégâts causés à l’environnement et au garde-manger des petits poissons pêchés par les chalutiers du coin. Cinq dragues, parfois renforcées par d’autres navires spécialisés, exploitent la fosse en permanence au profit de six sociétés qui, par un jeu de participations croisées, forment un groupement fort peu concurrentiel.

Ce genre de privatisation du plancher des vagues a joyeusement refilé à des intérêts privés les fonds du domaine public maritime. La baie de Bourgneuf est accessoirement la principale nourricerie des espèces de poissons nageant dans le golfe de Gascogne. En exploitant cette fosse devant Noirmoutier, des “dommages collatéraux” d’amaigrissement des plages de l’île, notamment de la Plage des Dames, risquent bien de contraindre les collectivités à des dépenses pour ramener du sable sur leurs plages déshabillées par les bouleversements intempestifs. Le contribuable n’est pas à quelques tonnes près. L’opération de réensablement de La Baule a un budget de 4,5 millions d’euros, financé à 80 % par l’Etat et l’Union européenne. Le maire UMP, Yves Métaireau s’est empressé de décrocher ces fonds publics, qu’ils n’auraient pu briguer s’il avait attendu plusieurs années. Il s’est donc dépensé sans compter pour que les contribuables de France et d’Europe lui payent dare-dare la restauration de sa plage. Sans perdre de temps à savoir si la solution serait efficace ou bassement provisoire.

Le marchand de sable a endormi tout le monde. Les industriels sabliers peuvent se frotter les mains. Cette opération est tout bénef. D’un côté, l’État fait cadeau de la matière première à ces sociétés privées, sans se soucier des dégâts en proximité dont il faudra bien financer la réparation, et de l’autre côté l’État et les collectivités publiques rachètent ce même sable du domaine public maritime à ces sociétés sablières chargées de l’étaler pour sauver le tourisme local. Cherchez l’erreur et passez la monnaie. Pour le calcul, on conseille la méthode sable de multiplication.