Les brèves
Parlons vrai
Patron, mais pas trop
Le 1er mars, le Medef 44 a tenu un dîner débat qui devait être présidé par le bon Branellec fraîchement déchu. 55 euros TTC pour le couvert et la conversation. Dans le cadre cossu de l’Abbaye de Villeneuve, aux Sorinières, les patrons ont fait venir Frère Samuel, “moine-écrivain-philosophe” – il fallait au moins ça – par ailleurs “intervenant fidèle des universités d’été du Medef” ; le moine penseur a glosé sur le “parlons vrai et osons transmettre vraiment notre expérience sans taire nos doutes ni nos échecs”. Rien que ça. Rongé par le doute et l’échec de ses boîtes, Branellec s’est fait porter pâle. Le moine fidèle a perdu un fidèle. Message de sympathie : si le brave Jean-Claude veut adhérer à AC !, les permanences d’Agir ensemble contre le chômage sont les mardis de 16 à 18 h, allée Baco.
La chair est fiable
L’eusses-tu cul ?
Une superbe page de pub dans le numéro de janvier d’Entreprises 44, le mensuel du Medef local : à côté d’un cabinet de ressources humaines prônant “la synergie d’un grand groupe et la réactivité d’un cabinet régional”, un encart pour le Strip café, une boîte de nuit libertine qui propose à côté de la Cité des Congrès, des attractions très tendance, table dance, lap dance et private dance, en d’autres termes du strip tease à bout portant, réalisé par des “artistes masculins et féminins”. Démarchés pour prendre des encarts dans l’édition suivante, certains entrepreneurs ont fait remarquer aux commerciaux du journal du Medef un peu gênés que leur souci de l’entregent n’allait pas jusqu’à l’entrejambe.
Technicien de grande surface
Un grand distribué fauché
Le pôvre ! Daniel Bernard, le pédégé du groupe Carrefour Promodès est venu à Nantes parrainer la dernière promo des étudiants de Sup de Co. À l’occase, lui qui émarge au club des cinq patrons les mieux payés de France a remis sur le tapis la polémique sur les fins de mois difficiles des “entrepreneurs”. Le pauvre garçon n’a palpé que 2,65 millions d’euros en 2002. Soit 536 fois et demie le Rmi. Mais, rassure le grand ponte, “je gagne beaucoup moins que Makélélé”, ce footeux de luxe transféré à Chelsea où il émarge à 290 000 euros par mois*. Ce qui ferait donc du pédégé un gars d’en bas de la France d’en haut. Homme de grande surface, Daniel Bernard qui ne peut pas penser à tout, oublie de comptabiliser ses notes de frais sans limites, ses voitures à disposition avec chauffeur, ses repas qu’il paye peu souvent de sa poche, ses stock options qu’il déstocke assez rarement, et quelques menus à côtés, bonus et golden parachutes au cas où. Bref, il se paye notre tête de gondole.
* L’Éclair, le 16 octobre 2003
Rémiréma
Prière d’insérer
Il ne faut pas dire RMiste ou RMaste, ça fâche le ministre qu’a inventé le Revenu minimum d’activité, alias RMA, opération destinée à destocker les RMistes pour les foutre au boulot forcé. Venu à Nantes à la mi février signer avec le Medef, le Département et des organisations patronales une charte pour développer le RMA, Francois Fillon, ministre du Taf au moment des faits, s’est insurgé contre l’usage de ces termes qu’il trouve péjoratifs et dégradants. Pourtant, RMiste, ou érémiste sont déjà dans le dictionnaire depuis des années, avec comme définition : “Bénéficiaire du RMI”. Là, c’est carrément abusif de considérer 417 euros par mois comme un bénéf. Quant au RMaste, il bénéficiera d’un service de travail obligatoire qui devrait le laisser SToïque.
Photoshopération
Les métallos retouchés à la tête
À défaut de pouvoir rectifier les têtes ou laver les cerveaux, les Chantiers de l’Atlantique corrigent les casques. C’est ce qui est arrivé aux photos des rassemblements ouvriers après les quinze décès dans l’accident de la passerelle en novembre. Sur des clichés diffusés en interne et dans le bulletin destiné au personnel, les badges CGT des casques des métallos venant porter des gerbes de fleurs ont purement et simplement été escamotés, blanchis à l’ordinateur. La méthode de retouche de photos officielles rappelle les grandes heures du stalinisme. Faut bien que les patrons s’encanaillent à un peu de bolchévisme abatardi.
Brimademoiselle
Accroche toi au règlement, j’enlève le cadeau
Ça se passe à la Maison d’Arrêt de Nantes. À peine majeure, la fille d’un détenu obtient sa première visite à papa, et vient avec le colis de Noël, le seul gros plaisir que l’on peut faire dans l’année à un taulard. Important pour les familles comme pour les gars à l’ombre. Autant pour améliorer l’ordinaire que pour donner chaud au cœur. On l’a prévenue : il faut être là une heure avant le début du parloir. Elle y est, mais inexpérimentée, elle ne s’est pas manifestée au bon comptoir à temps. La sanction est tombée net : refus du colis. Le détenu a passé son parloir à tenter de consoler sa fille. Joyeux Noël ! Pour le colis, faut repasser l’an prochain. Aucun maton ne peut ignorer les dégâts psychologiques de ce genre de brimade. Mais quoi, surveiller et punir, pas de raison que les familles ne morflent pas. Fallait mieux choisir ses fréquentations généalogiques.
Prise de tête
Notables à repasser
À peine paru, déjà à archiver. Par un coup de génie stratégique, “Les têtes des Pays de la Loire”, lourd trombinoscope des notables et décideurs du cru, est paru pile la semaine précédant les élections. Publié par la régie pub de Presse-Océan, du Courrier de l’Ouest et du Maine Libre, l’ouvrage tout frais liste tous les élus et responsables des Conseils général et régional ancien régime, sans attendre des remaniements qui tournent aux chamboulements. Inattendu, le rose-de-marée permet de méditer sur l’obsolescence subite des honneurs et des notoriétés sanctionnées. Plus gênant, le who’s who local présente la notice de Daniel Briolet, président du Lieu unique, décédé l’été dernier. Sans parler de quelques noms plus qu’en partance depuis plusieurs mois, comme Aïssa Dermouche, Jean-Claude Créquit ou Philippe Godefroid qui, bien avant le bouclage de l’annuaire, ont mis de la distance avec Sup de Co, la Caisse d’Epargne régionale ou l’Opéra… Quel antidote contre l’actualité antidatée ?
Mareschallergie
Un président considérable
Lors de son intronisation, le tout frais président du conseil général Patrick Mareschal s’est énervé contre la presse, sans avoir le moindre écrit ou la moindre émission à lui reprocher. Après rappel de ses convictions humanistes, il a lu aux journalistes une diatribe contre les “propagateurs de fausses informations et de rumeurs fantaisistes”, concluant : “Cette maison sera largement ouverte à tous ceux qui souhaitent pleinement et en toute indépendance informer leurs lecteurs, auditeurs et spectateurs de nos actes et de nos opinions et les commenter librement. Pour les autres, je n’aurais aucune considération.” Inspiré par Peyrefitte et Brejnev, Mareschal venait expressément de demander à Presse-Océan qu’on lui change le journaliste chargé de suivre le conseil général. On reste sidéré de tant de sidération.
Guichard, de vin en vain
Un dernier hommage pour la route
Après la mort de Guichard, le concert de louanges a oublié une citation du grand homme. Le jour où il a quitté ses fonctions de garde des Sceaux, Olivier a dit : « Tout ce que j’ai appris, c’est qu’en France, le mieux est de ne jamais avoir affaire à la justice*. » Le bon baron a plutôt bien réussi. Il avait certes été mis en examen en juillet 1999 pour quatre motifs, favoritisme, faux et usage de faux, abus de confiance et prise illégale d’intérêts, suite à des tripatouillages de marchés publics à la Région et de menues dépenses dont « l’intérêt régional n’était pas démontré ». Des mesquineries comme des défraiements d’aller-retour de Nantes à son fief personnel bordelais, et d’achat de pinard de sa propriété pour servir à la table de la Région qu’il présidait. En plus, il est mort un 20 (janvier), tout un symbole, a remarqué son fils spirituel, le maire du Croisic, Christophe Priou (vin, vingt, ha ha !). Mais en passant l’arme à gauche, Guichard aura finalement brûlé la politesse aux juges qui ne se sont pas hâtés de le convoquer plus vite. Le plus dur, pour le baron des vignes, c’est de finir par une mise en bière.
* Cité par Le Point du 15 août 2003.
Thune spéculeras point
L’euro, ça eût payé
Amer paradoxe : à sa parution, le bouquin de Philippe de Villiers contre le passage à l’euro a été tarifé en euros. Originellement vendu 13,57 euros, il est désormais bradé 9 euros dans le catalogue des très droitières Editions de Chiré. Grosse décote pour le Vicomte qui y est diffusé avec des publications de Le Pen, de Mgr Lefebvre et quelques chantres de l’extrême-droite et de ses environs comme l’historien Reynald Secher. Les euros sont fatigués.
Nouvelle veste
Sujet à caution
Eminent patron de presse local, Citizen Louboutin vient de rallier un club naissant de seize petits éditeurs de magazines régionaux, la Fédération de la presse magazine régionale, dotée d’un vœu audacieux : “que les pouvoirs publics cautionnent leurs emprunts bancaires”*. Pour ceux qui connaissent le Nouvel Ouest et son budget rompu aux acrobaties, vaut peut-être mieux lui payer un filet.
* AFP, le 16 mars 2004.
Nom de nom !
Nantes-Métroupole
Du District de Nantes, on est passé à la Communauté urbaine, alias Cun. Mais ce nom de la Cun manquait de tout, au moins de panache. De fiers communiquants ont illico été sommés de lui trouver un nouveau nom. Voilà donc “Nantes Métropole”. La recherche d’antériorité a dû être zappée. Parce que le hic, c’est que Nantes Métropole a déjà servi, et même laissé un souvenir un peu lourd. En 1967, pour urbaniser l’Île Beaulieu, est créé Nantes Métropole première version, une société d’économie mixte aussi dénommée la NAMET. Le maire du temps, c’est André Morice, dit Dédé La Muraille pour s’être enrichi en édifiant quelques blockhaus du mur de l’Atlantique pour les Allemands, puis pour avoir aussi construit entre Tunisie et Algérie un genre de ligne Maginot du Maghreb. Sur l’île Beaulieu, Morice le visionnaire imagine un genre de Manhattan-sur-Loire*. Faute d’un succès foudroyant, la SEM fait flop et s’enlise dans les emprunts. Le déficit creusé par le fiasco immobilier s’alourdit à 40 millions de francs de l’époque. Un trou finalement comblé par la Ville qui détenait la majorité des parts de la SEM. Moins de 40 ans après, Nantes Métropole, le retour. Avec un tel nom plombé, espérons qu’Ayrault est assuré contre le saturnisme.
* Lire Nantes, le petit Théâtre, de Jean Breteau et Jean-Jacques Potiron, 1986, éditions Alain Moreau.
Condomaine privé
L’esprit profondeur de François-Régis
Quand François-Régis Hutin, 75 ans aux prunes, éditorialise sur le grave sujet de « ne pas décourager les jeunes », il va chercher ses expressions dans les fins de banquet des VRP : « Vous commencez à peine à tomber amoureux qu’on vous engage déjà à songer au sida et à l’indispensable préservatif ! Dans le genre conseil pratique, pourquoi ne pas porter une tenue de scaphandrier pour jouer au football »*. On doit donc en déduire que FRH conseille pratiquement aux ados le sexe endiablé, sans ces capotes si malcommodes. On ne savait le patriarche du premier quotidien de France profonde aussi féru d’humour scaphandrier.
* Ouest-France, le 18 janvier 2004.