On achève bien les grévistes
Avis de fin de droits
Le brave lecteur d’Ouest-France, forcément un peu ignare, mérite qu’on lui explique comment c’est fait, le bonheur mais en mieux. La une du premier quotidien d’Ille-et-Vilaine et de Navarre s’en charge, avec quelques mots choc distillant d’insidieuses fausses évidences. Signé Paul Burel, qu’on a connu plus à gauche, l’édito du jour se truffe donc de “débordements inhérents au syndicalisme cheminot”, affectés d’un sens du “scénario syndical désespérément classique”, alors que “les esprits ont mûri” depuis 1995, et que “l’opinion est désormais plus rétive aux désagréments que les perturbations lui infligent”. À ce stade, on attend l’inévitable prise d’otage de l’usager, mais l’édito se garde de ce débordement inhérent au journalisme (trop) patronal. Quand même, les syndicats sont confrontés aux “comportements nouveaux, moins stéréotypés de jeunes militants”. Puisqu’on vous le dit : même les indécrottables archéos sont contestés par les leurs. La propaganda démocrate-chrétienne affinant sa pensée, ça continue : “les syndicats ont surtout plus de difficultés à faire passer l’argument erroné d’une mise en danger du droit de grève”. Gardien du temple médéfien, l’éditorialiste maison assène ces vérités au bon peuple : “Le temps presse. Service minimum ? Dire plutôt modernisation du secteur public avec l’urgence de remettre les choses à plat : les missions (du passé), les statuts (dépassés), les effectifs (mal placés) et le management (décalé)”* Avec ce grand plaidoyer anti-grève, la messe est dite. Le bon dieu François-Régis Hutin a expliqué tout ça à l’observatoire des Médias de l’Université permanente de Nantes** : “Nos journalistes n’oublient pas qu’ils sont autant de charnières au milieu du monde”. Pourvu qu’ils ne coincent pas quelqu’un en refermant la porte.
* Le 22 janvier 2004.
** Ouest-France, le 28 janvier 2004.