Tous les chiens mènent aux Roms
Pas le moins du monde
Hou la la ! Aux Sorinières, Presse-Océan* a déniché “Un Sangatte, véritable bidonville”. Vite, il faut rétablir l’état sanitaire, faire régner l’hygiène républicain, éradiquer le mal. Pire, dit le titre : “Des Roms en situation irrégulière ont pris possession du site réservé aux gens du voyage”. Pratiquement un acte de piraterie internationale. Vite, les brigades anti-Roms à la rescousse du citoyen ! En fait, quelques lignes plus loin, ces preneurs de possession sont désignés comme “demandeurs d’asile”. Donc pas le moins du monde en situation irrégulière. Pas clandestins du tout, simplement en attente de réponse de l’État français à leur dossier de demande d’asile. Le reste de l’article suinte les bons sentiments xénophobes ; “Les Roms, bien installés, (tiens, plus question de bidonville) profitent du confort mis à disposition à la charge de la commune (…), se sentent bien chez eux, en profitant de l’aide du CCAS, des transports en commun pour aller à Nantes et tout ce que le collectif (d’aide aux Roms) peut apporter de confort. Situation insoutenable pour les habitants”. Et pour couronner ce bel article qui flirte avec l’appel à la haine, de “nombreuses intrusions dans des propriétés” (sans plus de précision de la gravité de ces crime de lèse propriété) sont mises en parallèle avec le ras-le-bol de nombreux Soriénois qui souhaiteraient, “en cette nouvelle année, les reconduire dignement dans leur pays”. Voilà un dignement qui sauve tout. On aurait cru, à lire le reste, que les Roms étaient ici indésirables. Alors qu’il fallait prendre ça pour un appel à la dignité humanitaire du coup de pompe dans les fesses. Vive la France et son sens de la délicatesse des expulsions. Ces Français, ils sont complètement dignes !
* Le 17 janvier 2004.
Pour rattraper l’effet désastreux de cet article, Presse‑O a dépêché un journaliste de la rédaction démontant dans un article paru le 24 janvier les rumeurs ancestrales sur les voleurs de poules et autres allégations poujadistes sur les profiteurs, alors que les Roms sont en règle, et leurs enfants ont juste passé une radio des poumons au dispensaire. Quant aux prétendues intrusions dans des propriétés, aucune plainte n’a suivi.