Cachez ce carpaccio que je ne saurais voir
Capture d’écrans
Descente du FBI dans l’espace virtuel nantais, et censure mondiale immédiate. Nantes est vraiment devenu le centre du monde.
Les flics nantais n’ont qu’à aller se rhabiller. C’est le FBI himself qui est intervenu pour faire taire un site internet nantais et une vingtaine de ses cousins de par le monde. Pour la renommée nantaise, cet effet côte ouest policier fait classe ! Dans le collimateur, le réseau des sites Indymédia né en marge du sommet de l’OMC de Seattle en 1999. Ces IMC (Independant media centers) ne prétendent pas faire du journalisme mais gèrent une libre expression alter et libertaire, avec une autonomie site par site. En septembre, Indymedia Suisse publie un petit texte et la photo de deux policiers en civil prenant la pose. Des flics de la cellule anti G8 Genève avec les coordonnées personnelles d’un des deux, vite retirées du site. Mais le FBI s’est curieusement centré sur Indymedia Nantes, qui n’a jamais publié d’adresse perso, et a vite masqué les deux visages des Suisses sous le collage des trombines de Starsky et Hutch. La phrase finale du texte d’accompagnement, “il n’y a pas que le carpaccio comme plat qui se mange froid”, pouvait suggérer une vague velléité de vengeance. Mais on ne ferme pas un site pour une phrase litigieuse, sinon tous les forums et chats seraient réduits au silence illico. Rackspace, l’hébergeur basé au Texas de ces sites internet aurait reçu une plainte du FBI agissant, selon eux, pour protéger les flics suisses par “pure courtoisie”. Les Suisses ont pourtant porté plainte et déclenché à Genève une information judiciaire contre X. Timides, victimes de la proverbiale lenteur suisse, les confédérés helvètes ont été suppléés par les fédéraux américains.
Les médiactivistes nantais ont d’abord cru à un canular. Mais, à Seattle, un militant du site local d’Indymédia a reçu la visite prétendue fortuite de deux agents du FBI lui demandant de faire retirer les photos des deux collègues suisses. Finalement, l’hébergeur s’est allongé devant l’injonction policière, fermant le 8 octobre 2004, sans avertissement, vingt sites internet d’Indymedia dans le monde dont Nantes, Marseille, Nice, mais aussi Italie, Royaume-Uni, Pologne, Belgique, Portugal, Brésil…
Coup de poker menteur
Rackspace n’a fourni à Indymedia “aucune information concernant l’injonction” du FBI, qui se fonderait sur le Mutual legal assistance treaty permettant des procédures transnationales au service d’enquêtes sur le terrorisme international, le blanchiment et les kidnappings. Rien que ça. Mais la légalité de la démarche semble douteuse, puisqu’“il a suffi à l’Electronic Frontier Foundation, une association américaine luttant pour la liberté d’expression sur le Net, de souligner ce caractère illégal pour que les serveurs soient restitués”, note Indymedia Nantes qui rappelle la vague d’offensives du gouvernement fédéral des USA contre les médias indépendants : “En juillet, un membre d’IMC Chypre espionné par la CIA suite à la publication sur le site, de documents prouvant l’ingérence américaine dans le référendum sur la réunification de Chypre. En août, pression sur IMC New York avant la Convention républicaine, pour obtenir les identifications des fournisseurs d’accès aux Etats-Unis et aux Pays-Bas. En septembre, fermeture des stations radio communautaires à travers les USA par décision de la Commission fédérale des communications.”
La fermeture des sites constitue une censure internationale inédite de la liberté d’expression, sans cadre juridique très établi. Un genre de galop d’essai pour l’instauration d’un expéditif service policier mondial, assimilant les médias indépendants au terrorisme. Il est bon que la puissance yankee trouve à s’exprimer partout dans le monde. Les cow-boys sont grimpés dans le mirador.