Bois Hardy : la résistance s’enhardit
Accrobranches
Des urbannis obstinés du potager à la bonne franquette.
Le Bois Hardy, une épine dans le beau plan de « requalification urbaine » du bas Chantenay. Pour y coller 400 nouveaux logements, le projet doit faire table rase des négligeables qui s’occupent de cette petite enclave verte nichée sur les coteaux au sud de Bellevue. Depuis trois ans, une soixantaine de familles défendent pour ces terrains un autre futur que celui de l’urbanisme officiel bien balisé, entre le site prévu pour l’Arbre aux hérons et la brasserie privée chic desservie par navette fluviale*. Solidarité, générosité, convivialité, jardins partagés : les habitants se battent d’arrache-pied de tomate pour garder sur ces quatre hectares des années de vie en communs ancrée dans la tradition ouvrière de l’ancienne cité Arthur-Benoît. Des règles d’usages ont été formalisées et adoptées pour permettre de jouir de cet espace de liberté sans nuire à l’autre. Les allées et sentiers qui slaloment entre des petits potagers servent de corridors écologiques à toute une petite faune habituellement sacrifiée au nom de la « nécessaire densification urbaine ». Miniréservoirs de biodiversité, ronciers et petits bosquets sont préservés. Plein de bon sens populaire, ce soin à l’environnement se passe très bien des fameuses agences conseils pompeuses d’argent public. Symbole de la résistance technocratique : en plein milieu du territoire rebelle, une parcelle de quelques centaines de mètres carrés, héritée de son grand-père, appartient à un agriculteur installé dans une autre commune. Cet ancien animateur socioculturel qui a exercé dans les quartiers nantais refuse mordicus de vendre à la ville. Les petits proprios de la ruelle privée voisine sont aussi cabochards. Il y tiennent, à ce petit coin de paradis où on chante à l’occasion en buvant des coups, ambiance guinguette et grignote bonne franquette. Un îlot de verdure plein de sculptures en tous genres pendues aux arbustes, comme une pluie d’ex-voto accrochée aux branches. Un vrai droit de véto contre l’urbanisme autoritaire.
* « Naviguez bourré », Lulu n°109 – 110, avril 2020.