Courage, expulsons
Les femmes et les enfants d’abord
L’expulsion avec attention particulière aux concernés reçoit le label Nantes en confiance.
Meurtre, violences, drogue, vol ? Rien de tout ça. Le crime à punir, c’est d’avoir investi depuis plusieurs mois une maison, inhabitée et vouée, un jour viendra, à la démolition. À la mi-août, le proprio, Nantes métropole, a requis les argousins pour une opération de basse police, rue du Bois-Hardy dans le bas-Chantenay. En 2020, dans le monde supposé d’après. Pour murer les ouvertures, installer une porte blindée et une alarme, l’expédition coercitive profite courageusement de l’absence des cinq habitant·es, une mère, ses trois enfants et une autre femme. Toutes leurs affaires personnelles emmurées à l’intérieur, sans autre forme de procès : aucun commandement d’huissier ni d’appel pour les prévenir. Et pour cause : l’avis d’expulsion utilisé remonte au printemps 2019 et visait une autre famille. La bâtisse est condamnée à disparaître dans le cadre d’un projet urbain. Sauf que rien ne presse : il n’y a pas le début du commencement d’un programme dans le secteur. Mais, depuis des années, la stratégie est de préempter les bâtisses qui se libèrent pour maîtriser bien à l’avance le terrain et éviter les retards futurs, expropriations, recours de riverains et autres hantises de l’avancée sans entrave de la gentrification bienheureuse. Dehors les pauvres, ouste ! La maison pouvait servir encore durant un bon bout de temps comme logement d’urgence, dans une agglo justement sous tension. Ce que réclame depuis de long mois Droit au logement à des autorités droites et sourdes dans leurs bottes. Un énième épisode, en fait, de « Nantes en confiance », façon Johanna Rolland qui portera, c’est juré, une « attention particulière aux personnes concernées » (Presse‑O, 23/08) qu’elle vient justement de mettre à la rue… « L’attention », l’autre mot pour « dégage on aménage ». La maison murée a depuis retrouvé sa vocation d’accueil de personnes sans domicile. Les parpaings sont tombés comme feuilles mortes, l’alarme s’est retrouvée aphone et la famille a réinvesti sa maison. Réinvestir, quand on n’a pas un sou mais juste la solidarité, c’est classe.