Audencia lave plus vert
Engourdissement
Les étudiants d’Audencia plantent des arbrisseaux, et bichonnent leurs indicateurs du greenwashing de carrière.
C’est pas des blaireaux, les apprentis managers. Plutôt pandas, l’école de bizness étant partenariatisée avec WWF. Et c’est du lourd, la fibre écolo de l’école qui, en dix ans, a réussi un exploit : « Des compétences RSE ont été développées dans 10 % des cours, un projet de recherche sur les choix de plats durables en restauration collective a été mené, et 6 000 bouteilles en plastique ont été évitées » (bilan de juin 2020). Cette chasse au plastoc buvable, remplacé par des gourdes réutilisables distribuées aux élèves et au personnel, est moyennement impressionnante, l’école comptant 6 900 étudiant.es et salarié.es par an. Et dans le genre bidule technocratique futur, « WWF France et Audencia travailleront à l’intégration d’indicateurs de suivi de l’impact de ces enseignements [intégrant plus les enjeux sociétaux et environnementaux] sur la carrière des étudiants diplômés ». Wow !
Plantage arboricoles
Faut pas désespérer, l’école nantaise hyper plus responsable à impact trop positif s’améliore : si elle n’évite pas les bouteilles en plastique aux points de ravitaillement des 7 200 participant·es de son triathlon à La Baule, l’école « a la main verte », plantant, le 12 décembre dernier, toujours à La Baule, une centaine d’arbustes taille plumeau, pour « amortir l’empreinte carbone liée à l’organisation de l’événement sportif ». Les petits marquis de l’amortissement préféreraient qu’on ne dise pas qu’ils ont financé les plantations en vendant des brosses à dents à poils de nylon polycaprolactame (mais, attention : manche bambou !). Qu’on oublie que cette centaine d’arbrisseaux compensatoires, c’est 20 fois moins que ce que la Ville de La Baule distribue tous les ans à ses ressortissants, et autant que ce que les enfants de Blain ont planté deux mois plus tard, selon le désormais très commun programme « une naissance, un arbre » adopté dans 33 communes du département.
Qu’on se rassure, le blog des étudiants Mediafactory exerce une veille sur le greenwashing des entreprises, y consacrant même un onglet. Et, lors du séminaire de rentrée, tout le personnel de l’école a participé à « La Fresque du climat », puis 370 étudiant·es en décembre dernier. En trois heures, cet atelier fresque sensibilise à la cata climatique. Un must dans toutes les grandes écoles : mais si, ces petits groupes avec feutres et images à coller, ça change tout, attention, ça peut angoisser. En fin de séance, un « débriefing des émotions » évite que les pauvres chéri.es soient trop choqué.es. Avec ces bricolages et des notions de transition écolo et de relance verte dans les cours, Audencia sort 4e au palmarès des bizness schools écolos en France (Les Échos, 24/10/2021)
Stratégie du chocolat
Oublions vite les emmerdeurs qui dévoilent les stratégies d’image et ficelles d’attractivité humant l’air du temps dans la farouche concurrence entre écoles : « La force de ces institutions est de savoir se réapproprier les critiques dont elles sont la cible et s’adapter, superficiellement, afin de perdurer (…) Il suffit de voir que, à Audencia, le partenaire RSE est Ferrero, plus grand acteur de la déforestation », note Maurice Midena, ancien d’Audencia, auteur de Entrez rêveurs, sortez manageurs*** sur le désenchantement des étudiant.es en grandes écoles de bizness où règnent « dépolitisation et imprégnation de l’idéologie néolibérale ». Une diplômée 2020 de l’alter ego d’Audencia à Grenoble tacle aussi ces écoles de commerce où « on forme à des métiers qui ne sont pas viables écologiquement, avec, derrière tous les enseignements, le prisme de la croissance comme ligne de mire » (Le Monde, 21/11/2021). Il est urgent de lancer l’opération « une critique vacharde, un brin d’herbe planté ».
Pierre Rabit-Bochet
*65 000 litres en 2017.
** Ferrero, multinationale italienne du chocolat industriel, c’est Nutella et l’huile de palme mais aussi Kinder, Mon Chéri.
*** Éditions La Découverte, janvier 2021.