Enfant sandwich, un métier d’avenir
Recettes
Ne dites pas à votre môme qu’il fait de la pub, il se croit encore à la maternelle…
Seize industriels de la bouffe* ont trouvé un nouveau champ de tir publicitaire : les écoles maternelles. Ils envoient un courrier-type aux écoles, leur proposant de recevoir « gratuitement » des « colis kermesse » bourrés de gadgets publicitaires, ainsi qu’un étonnant « livre de recettes ». Charge à l’école de payer « les frais de colisage, d’emballage et d’expédition », autant dire l’essentiel du coût.
Délicieusement intitulé Mes recettes préférées pour toi maman (…) « ce très beau livre, réalisé avec des dessins d’enfants**, est destiné aux enfants pour qu’ils l’offrent à leurs mamans le jour de la fête des mères », qui en fait se voient offrir un catalogue de produits où les « recettes » n’ont rien à voir avec des secrets de cordon bleu.
L’objectif est pub pur jus, comme ne s’en cache pas le directeur marketing d’une des marques : « ces opérations ont pour vocation de faire essayer des produits de grande conso. » Encore plus fort, des bons de réduction sur ces produits sont livrés avec les brochures. « Mais on préfère les garder comme lots pour la tombola de la kermesse », précise une dirlo, pas gênée pour deux sous de voir son école transformée en annexe d’hyper.
Y aurait-il un hic dans la laïque ? « Ce sont les écoles qui réclament ces cadeaux pour leurs kermesses », se défend l’agence de pub, ajoutant la main sur le cœur : « D’ailleurs, nous ne gagnons presque rien. » Philanthropie ? « D’une certaine manière oui, répond-elle sans rire, il y a tellement d’écoles qui n’ont rien, mieux vaut récupérer des choses pour les écoles que les jeter. Ce sont des fins d’opération, ça ne coûte rien. » Mais ça rapporte, à tel point que ni l’agence ni ses clients ne veulent communiquer le prix des pages du catalogue. Surpris que des parents s’inquiètent de voir leurs rejetons instrumentalisés par la pub, le DG d’une des marques « n’imagine pas que des sociétés importantes participent à l’opération sans l’accord d’une autorité qui dépasse une simple directrice d’école. »
Pas de pub pour les lardons
« Nous sommes opposés à l’introduction de publicité à l’école qui il est vrai est soumise à forte pression », dit-on à l’Inspection académique. Les circulaires ministérielles sont claires : « Il ne saurait être toléré (…) que maîtres et élèves servent directement ou indirectement à quelque publicité que ce soit. » Laïcité, apolitisme et neutralité de l’école obligent. En principe…
* Buitoni, McCain, Bonduelle, Maggi, Amora, Saupiquet, Angeline, Delacre, Francine, St Hubert 41, Isio 4, Francorusse, Floraline, Le Blonvilliers, Croustipâte et Pyrex.
** Ces « dessins d’enfants » sont en fait dus au crayon d’une illustratrice majeure et vaccinée.