La revanche des lézards à plume
Cuit cuit
L’extension du Port autonome sur Donges-Est tombe déjà sur quelques gros becs, dont la directive européenne sur la conservation des oiseaux. À se demander si ce projet grandiose n’est pas déjà mort né.
Trois lézards viennent empêcher de dormir les ingénieurs du Port autonome. Première insomnie à cause d’un mauvais papier : le tribunal administratif puis le Conseil d’État ont annulé le POS (plan d’occupation des sols) de Donges, modifié de janvier 1994 pour recevoir les remblais. Et hop : voilà le POS à dégager pour erreur manifeste d’appréciation de l’intérêt écologique du site. À la première demande d’autorisation de remblaiement, les écolos attaquent aussitôt au tribunal administratif. « Et on aura gain de cause. C’est un vrai verrou juridique, prévient Christine Jean de l’association Loire Vivante. Ce qui est très choquant c’est que les services de l’État se déclarent prêts à ignorer ces décisions de justice…«
La deuxième cauchemar est européen : en 1993, les écolos de la Basse-Loire portent plainte auprès de la Commission des communautés européennes pour non application de la « directive oiseaux » de 1979, texte qui a valeur de traité international et prime sur les lois nationales. En janvier dernier, le ministère de l’environnement européen a adressé à la France une « mise en demeure » : le désaccord entre Paris et Bruxelles passe à l’étape contentieux, avant « avis motivé » et transmission à la Cour européenne de justice. La France qui se targue d’une position de leader est attendue au tournant par ses partenaires qui ne passeront pas sur des manquements à la règle. D’autant que le souci récent de cohérence entre services européens accepterait mal des entorses aux lois sur l’environnement alors que le Port de Nantes touche des fonds européens pour son aménagement.
Troisième hic : un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 11 juillet 1996 concerne le cas anglais très similaire d’extension du port de Sheerness et la zone du Lappel bank. La cour de justice a tranché en faveur des zozios : leur préservation prime sur l’intérêt économique. Impossible d’extraire à l’avance du périmètre d’une zone de protection spéciale un secteur dédié à l’agrandissement du port. C’est pourtant exactement ce que l’État fait pour Donges Est. Pour respecter la loi européenne, il faut désormais établir sans restriction la ZPS protégeant les petits oiseaux, et demander a posteriori à exclure une partie du territoire protégé. Avec un dossier béton pour démontrer la pertinence économique du projet portuaire. Ce qui a peu de chance d’aboutir. Pour une fois, les oiseaux ont mis du plomb dans l’aile d’un projet d’ingénieurs.