Presse‑O sens dessus dessous
Contresens
Sans crier gare, Presse-Océan a changé de sens et de direction. Et largué en chemin des lecteurs déroutés, perdus dans le labyrinthe de la nouvelle pagination.
Les nouveaux patrons de Presse-Océan n’essaient même pas de le cacher : la nouvelle formule du journal, lancée au début de l’été, n’a pas stoppé l’hémorragie qui prive chaque année le titre nantais de quelques milliers de lecteurs. Elle l’a même accélérée. Entre septembre 97 et septembre 98, le quotidien de la rue Santeuil aurait ainsi perdu entre trois et quatre mille fidèles, soit environ 5% de son lectorat. Ajouté au déficit chronique de recettes publicitaires, enregistré depuis le découplage de la régie avec Ouest-France, le déficit du journal devrait encore avoisiner les 20 millions de francs cette année.
Tout semblait pourtant aller pour le mieux dans le meilleur des journaux au printemps dernier : une nouvelle direction, plutôt bien reçue par une rédaction remotivée, et un journal revigoré qui sortait de l’info. Patatras, le changement de maquette en juillet et surtout le nouveau « chemin de fer»*, inversant la hiérarchie des sujets pour privilégier la petite locale, ont déstabilisé une partie du lectorat, qui a pris ses jambes à son cou et déserté les bacs des marchands de journaux. « Ce sont surtout les vieux fidèles qui ont lâché le journal, explique un kiosquier du centre, et ce seront les plus difficiles à raccrocher. » Le détaillant affirme d’ailleurs que Presse‑O a perdu chez lui 15% de ses clients depuis janvier 98.
Les journalistes ne sont pas les derniers à s’inquiéter de cette baisse de diffusion : « On ne critique pas la nouvelle maquette, certes un peu trop rigide, mais le nouveau chemin de fer, qui donne à Presse‑O des allures de journal de quartier.» Il semble de fait que la nouvelle direction angevine se soit un peu mélangé les pinceaux entre l’actualité de l’agglomération, repoussée en fin de journal, et les informations micro-locales qui sont données à l’ouverture du quotidien. Chacun y perd son latin et ses repères. A tel point que les rédacteurs sont parfois incapables de retrouver leurs papiers dans le journal. Furieux, les journalistes ont donc interpellé la direction, obligée de constater le malaise en regardant les courbes de ventes.
L’actualité du « Grand Nantes » pourrait ainsi retrouver très prochainement une place en début de journal. Sans garantie, pour autant, que le lecteur volage revienne goûter au plaisir matinal de parcourir, devant son café, le dernier quotidien pur beurre.
* Ordre des pages.
Nonosse. La manne au quotidien
Il parait que les gens disent n’importe quoi. A l’occasion d’une réunion publique de quartier aux Sables d’Olonne, le compte rendu de Presse-Océan se fend d’un second article offusqué, intitulé « De la liberté d’expression à la honte du mensonge », qualifiant de « propos mensongers, inventés de toutes pièces, infamants » l’accusation d’un citoyen prétendant ce soir-là : « La presse est muselée, depuis que le conseil général subventionne les journaux ! » Il se trouve pourtant que, le 29 mai 1998, la commission permanente du conseil général de Vendée a bel et bien voté une dépense de 549 936 F pour insérer des encarts de pub* dans les éditions vendéennes de Ouest-France et Presse-Océan. S’il ne s’agit pas à proprement parler de subventions, cette manne peut chercher à émousser les ardeurs des rédactions dans l’éventualité, certes bien improbable, où les intérêts de la Villierie risqueraient d’être mis en cause. Entre manne et manigance, il y a plus d’un passe-passe.
* Concernant le « Prix Entreprendre », le plan routier, la formation et l’environnement.
Les gens du voyage refont la maquette
Lorsque Presse‑O. mène l’enquête, ça peut faire mal. Ainsi pour la sainte Marie*, le quotidien a titré en page des faits divers : « Des gens du voyage brûlent le corps de l’un des leurs dans une caravane », rappelant au passage que c’est là une vieille coutume. Une vingtaine de gens en question ont illico fait le voyage rue Santeuil, siège de Presse‑O., pour expliquer aux journalistes mal inspirés qu’ils n’avaient pas coutume de laisser raconter n’importe quoi sur leur compte, avec des arguments convaincants : une lèvre fendue, un ordinateur détruit… Et un rectificatif en gros caractères à la une le lendemain : « Selon leur coutume, ils ont incinéré le véhicule du décédé. Celui-ci avait été inhumé auparavant. » Si maintenant il faut même vérifier les avis d’obsèques…
* Presse-Océan, 15 et 16 août 1998
Un éclair de lucidité
L’idée aurait pu se révéler excellente : faire de l’Eclair un quotidien départemental, une sorte de best-of de toutes les éditions de Presse‑0 en Loire-Atlantique. Le journal de la métropole quoi ! Mais le lecteur de la région nazairienne, principal soutien de l’Eclair, n’a pas vraiment mordu, furieux de ne pas retrouver in extenso ses infos locales. Du coup les ventes ont plongé de 15% à Saint-Nazaire, mettant en péril l’existence même du vrai-faux quotidien. « Il faudrait deux éditions » plaident les journalistes, mais le nouveau patron, Claude Coustal, ne veut pas en entendre parler. Lecteurs de Presse‑O., faites comme Lulu, adoptez le geste qui sauve, achetez L’Éclair, le seul journal authentiquement populaire.