Les syndicats se font une tête au (mètre) carré
Rubik’s cub
La nouvelle bourse du travail n’est pas encore construite qu’elle se vide déjà de ses futurs occupants. Faudra-t-il nommer un médiateur ou un syndic ?
La future maison des syndicats, « le plus gros programme de construction du mandat municipal »*, doit investir l’ancienne gare de l’Etat avant les municipales de 2001. Objectif : reloger les syndicats avant que leurs locaux actuels, aussi municipaux que vétustes, ne leur tombent sur la tête. Un objectif qui semble sérieusement compromis, faute de compromis entre syndicats et mairie.
Car si les gros syndicats sont d’accord pour se partager l’espace (les petits étant priés d’aller revendiquer ailleurs), ils s’étripent sur la répartition des surfaces tout en accusant la mairie, chacun pour des raisons diamétralement opposées, de ne pas tenir sa parole. A tel point que FO et la CFDT, les deux principaux protagonistes du psychodrame, menacent de ne pas déménager de leurs locaux actuels.
Après d’impossibles discussions sur d’introuvables critères de répartition des surfaces, Jean-Marc Ayrault a tranché pour une parité entre les trois grandes confédérations, CFDT, CGT et FO. Une parité pas très paritaire, puisque la CFDT disposerait de 1220 m² contre 1040 m² pour FO, autant pour la CGT**. Pire, cette idée trop simple a tout compliqué : la CFDT, largement gagnante aux dernières élections syndicales, exige une surface en rapport avec sa représentativité, « quatre fois plus importante que FO. » Récusant le principe de parité, elle maintient une demande supérieure aux autres syndicats, histoire de mettre la pression : « En l’absence d’amélioration, on s’engage à ne pas y aller. » Ce qui a le don de mettre en rogne FO, qui s’en tient à la promesse municipale d’une parité au mètre carré près : « C’était bouclé, la décision acceptée, l’architecte retenu sur cette base. Or la mairie n’a pas tenu sa parole en accordant lors d’une modification technique près de 200 m2 de plus à la CFDT. En l’état, FO ne cédera pas et ne participe plus aux réunions.«
Coincée entre la CFDT qui ne veut plus y aller et FO qui menace de rester dans la vieille bourse du travail, la mairie joue profil bas tout en faisant avancer le dossier comme si de rien n’était, persuadée qu’au pied du mur les organisations syndicales finiront bien par céder. « C’est mal nous connaître, rugit Patrick Hébert, le patron de FO dans le département, d’ailleurs la décision de parité a été adoptée par notre union départementale. » Impossible de faire machine arrière. « Le principe de parité ne tient pas. On l’a appris par hasard, renchérit Marcel Gautier qui suit l’affaire à la CFDT, la mairie manque de transparence dans la gestion de ce dossier. » Sûre de son bon droit, la CFDT réclame à présent 500 m2 de mieux que sa surface actuelle…
On attend avec impatience l’inauguration du bâtiment qui risque de finir par ressembler à la Maison du peuple de Saint-Nazaire, qui a autant d’ascenseurs que d’organisations syndicales, pour la plus grande joie des ricaneurs de tous bords. La situation pourrait pourtant s’arranger, par exemple en obligeant les syndicats à redéménager à chaque nouvelle élection, en fonction de leurs nouveaux résultats… À défaut d’être pratique, ça pourrait amuser le prolo, qui n’a pas tous les jours des occasions de rigoler.
* Ouest-France, 11 juillet 1998.
** Le FSU se voit proposer 590 m2, la FEN-UNSA 550 m2, la CFTC 399 m2 et la CGC 180 m2 (chiffres Mairie).