Dix ans de réveillons maudits
Sang sylvestre
De Villliers n’aime pas les anniversaires. Il a maudit le Bicentenaire de 89, il exècre qu’on fête tous les ans le nouvel an.
Au dernier réveillon, Philippe de Villiers a eu le cotillon amer. Il y a dix ans, le 31 décembre 1988, un homme, Jean-Franklin Yavchitz, directeur des services du département congédié comme un malpropre par le Vicomte quelques jours après son accession au trône, a eu le manque de tact de se faire sauter le caisson dans le bureau de Villiers. Qui a dû changer de bureau, trop lourd de reproches. Ce suicide accusateur a gaché un réveillon qui s’annonçait doublement sympa, puisqu’il coïncidait avec le mariage du lieutenant du Vicomte, l’ineffable Bruno Retailleau. Depuis, tous les réveillons ravivent de mauvais souvenirs.
Dans un livre racontant son parcours*, Madeleine Lelièvre, femme de caractère, féministe, centriste de droite, farouchement rebelle à une soumission au Vicomte, publie une lettre qu’elle adressa peu après au procureur de la république : « J’affirme sur l’honneur que, peu de jours avant sa destitution, le directeur général m’a dit : « De toutes façons, si je dois partir (il n’en était pas sûr), les choses se passeront bien. Philippe est un vieil ami. » D’un autre côté, la haine d’un vice-président du conseil général pour J.F. Yavchitz était légendaire. C’est lui qui prit la tête du mouvement des élus qui réclamèrent la destitution du directeur sur le champ ‑ceci en échange de leurs voix. Et c’est ce marché honteux qui a tué. Il fut chassé comme un laquais, pire, comme un malhonnête( …) À tort sans doute, J.-F. Yavchitz s’est cru déshonoré devant ceux qu’il aimait : sa famille, ses amis, ses relations professionnelles et politiques. Il s’est donné la mort. Je pense, et beaucoup de Vendéens avec moi, qu’il a été moralement tué. (…) M. de Villiers connaissait la sensibilité de son ami et son sens de l’honneur qui primait tout chez lui ‑orgueil pour certains, dignité pour d’autres.
M. de Villiers, en rendant déshonorantes les conditions de départ de J.-F. Yavchitz, ne lui a‑t-il pas posé amicalement la main sur la gâchette ». Rien ne suivit cette lettre demandant d’ouvrir une enquête sur les mobiles du suicide.
Depuis Philippe de Villiers voudrait bien gommer du calendrier cette date du 31 décembre, qui, obstinée, revient tous les ans. Preuve que d’indignes salopiots lui en veulent vraiment.
* La passionaria du bocage, de Madeleine Lelièvre, 216 p., 95 F, auprès de l’auteur, Le Bignon, 85500 Les Herbiers.