Le cancer qui sauve l’administration
Tousse pour un
L’histoire des arbres qui cachent la forêt d’hypocrisie.
C’est biblique : la poussière mène aux cendres. Maurice Conchet est mort en décembre 1995 à 40 ans, avec le souvenir d’une dizaine d’années de boulot dans une tour maudite, pourrie d’amiante, désaffectée depuis 1992, le Tripode de Beaulieu qui a abrité les administrations de l’Insee, des Affaires étrangères et du Trésor. Électricien maison de la tour infernale, il vient de subir post mortem un débat d’experts de la commission de réforme qui a conclu que l’électricien n’était pas « mort en service », mais platement décédé d’un mauvais cancer du poumon dû à sa consommation de clopes. Ce qui dispense accessoirement de verser à la veuve une pension intégrale mais surtout évite de créer un précédent. La médecine en convient pourtant : des années au contact de l’amiante déclenchent indéniablement un cancer de meilleure qualité qu’une vie au grand air. Au sein de la commission qui a hésité à accorder cette reconnaissance de maladie professionnelle, les deux médecins ont finalement fait basculer la décision pour éviter de faire jurisprudence. Suite à un vice de forme, la commission doit cependant se réunir à nouveau. Pour mieux l’enterrer ?
Sur les six ouvriers qui furent cantonnés au sous-sol de la tour, au contact régulier de l’amiante, trois sont déjà morts, un est en retraite invalidité, un est traité pour un cancer et le dernier, valide, se ronge un peu le moral. L’administration rechigne, au cas où ce genre de sans-grades se verraient décrétés victimes du travail, à verser des millions de francs et des poussières. Quoique, pour les poussières, elle ait déjà donné.