Tentative de strangulation portefeuillue
Cravate de notaire
Roulé lors du rachat de parts de l’étude, boxé par son associé (les rixes du métier), mis dans la mouise financière, ce notaire cherche un tuba : son milieu professionnel lui tient la tête sous l’eau.
Quand il quitte Mortagne-sur-Sèvre pour racheter en avril 1991 des parts dans une étude de La Chapelle-sur-Erdre, Georges Toro ne sait pas qu’il signe le début de ses ennuis. À peine installé, coup vache : Me Busson, l’un de ses deux associés, annonce qu’il s’en va. Me Toro se voit contraint de racheter les parts du pas très fair-play collègue. À prix fort, eu égard au développement annoncé. En fait, l’activité baisse de presque un tiers. 230 dossiers auraient été captés par Me Busson pour sa réinstallation à vingt kilomètres de là. Une enquête de la chambre départementale de discipline des notaires jauge le détournement de clientèle, avec des conclusions en euphémismes montrant qu’au minimum, le partant n’a pas respecté les usages. Les juges qui se sont penchés sur la question sont du même avis et ont nommé le 15 février 2000 un expert pour mesurer le préjudice de cette vente de parts douteuse dont tout découle.
Clause combat à l’étude
Depuis ce rachat de parts, Georges Toro tire la langue pour rembourser ses emprunts professionnels, “sans aucune faute de sa part” note le tribunal de Nantes qui ne l’a condamné en juin 1999 qu’à une simple “interdiction de récidiver” sans relever “un quelconque manquement à l’honneur et à la probité, voire d’une insuffisance professionnelle, négligence, ou erreur graves au détriment de sa clientèle”. L’appel a confirmé la décision. La chambre des notaires exige de ce Toro rétif qu’il abandonne volontairement son étude et le parquet voudrait bien lui casser les reins, mais les juges, plus sereins, n’ont retenu que deux fautes : avoir traité de “vieux con” un confrère nommé administrateur provisoire de l’étude et avoir réglé 21 000 F sur le compte de la société civile professionnelle, en avance sur frais de scolarité de son fils, alors embauché à l’étude comme clerc. Cette embauche a d’ailleurs été attaquée en justice par l’autre associé Me Lenglart. L’ambiance est tellement enjouée qu’on en vient aux mains entre deux portes, entre un dossier d’héritage et un viager à rédiger*. Une main sur le code civil, l’autre dans un gant de boxe.
Si l’âge de l’administrateur judiciaire provisoire de l’étude n’est finalement pas contesté, il n’aura pas attendu d’être traité de vieux con pour resserrer la strangulation au portefeuille de Me Toro, en gelant tout versement de ce que l’étude lui doit sur sa part des bénéfices. Soit quelques 510 000 F accumulés depuis près de trois ans. Cette attaque au porte-monnaie bafoue la décision de justice ordonnant qu’un minimum vital soit octroyé, le reste étant saisi pour honorer les remboursements d’emprunts. En novembre dernier, un juge a considéré que ce comportement d’étouffer le notaire sous les saisies “traduit un profond mépris pour les décisions de justice” et constitue “à l’évidence une manœuvre abusive et déloyale” contre Me Toro. Condamnés à lui restituer le fruit de son gagne-pain, le président de la Chambre des notaires et son représentant comme administrateur de l’étude ont décroché un sursis à exécution, par un référé de décembre 1999 .
Les efforts notoires de ce milieu professionnel pour éliminer le confrère récalcitrant ont d’autres victoires. Comme la condamnation de Me Toro à quatre mois de prison avec sursis pour détournement de biens saisis, alors qu’il s’agit de son propre revenu au sein de l’étude, qui d’ailleurs marche plutôt bien malgré le climat tendu. Georges Toro sent que ces pairs ne cherchent qu’à le maître à la rue. Toro, c’est bien un nom à cacher dehors.