Nantes gagne des parts de ghetto (de riches)
Urbannissement
À Nantes, où l’immobilier flambe, on n’achète pas d’extincteur, on s’embourgeoise mollement mais sûrement.
Depuis plus d’un an, une frénésie s’est emparée des prix de l’immobilier, ancien, neuf, apparts, maisons. Les nantis Nantais se frottent les mains. Cette ville tenue par un socialo-communiste est finalement très fréquentable. Effet direct de ces mètres carrés prohibitifs, les pauvres n’ont qu’à reculer jusqu’à les arbres, et même bien au delà.
Le discours permanent sur la séduction exercée par la ville s’adresse aux cadres exerçant dans un secteur stratégique, aux ingénieurs de l’aéronautique, des industries de la santé et de l’agro-alimentaire, aux chercheurs de haut niveau, aux consultants dans des activités high tech. Dominée par l’économie et les notions d’image, cette vision souriante ne profite pas à tous.
À terme, les tensions sociales pourraient s’en ressentir si le fossé de revenus et de bien-être se creusait avec les exclus de cette euphorie, les anciens pauvres pas bien repentis, les écartés du plein emploi, confrontés à une seule reprise, celle d’éventuels contrats précaires, avec pour toute perspective des horizons aussi sombres que proches.
Pavillon bas pour les pauvres
Les prix flambant, les revenus modestes peuvent aller se faire voir au delà de la « première couronne » qui comprend Bouguenais, Rezé, St-Sébastien, Sainte-Luce, Carquefou, La Chapelle-sur-Erdre, Orvault et Saint-Herblain. « Il faut faire dix à vingt kilomètres au delà de la grande périphérie pour trouver un terrain à 200 000 F et une construction à 500 000 F, confie un promoteur. Ceux qui achètent leur première maison sont rejetés à l’extérieur de la communauté urbaine. Ce qui recrée le phénomène des PAP (prêts d’accession à la propriété) des années 70, avec des situations fragiles si le ménage éclate. Les banquiers sont les premiers à tirer la sonnette d’alarme. »
« Il y a trois ans, acheter un terrain 400 000 F ou un peu plus, c’était dépenser beaucoup. Aujourd’hui, c’est un minimum dans l’emprise de l’agglo, note l’architecte Michel Gautier. Au total, on peut dire que les riches se casent dans la première couronne, les pauvres étant repoussés à partir de la deuxième couronne. Pour contrer cette tendance, il faudrait que Jean-Marc Ayrault, patron de la communauté urbaine, libère de manière volontariste les plans d’occupation des sols des communes autour de Nantes pour que s’y créent des lotissements avec des lots moyens à 350 000 F, sans tomber dans le bas de gamme. Jusqu’ici certaines communes ont bloqué les opportunités, faisant artificiellement monter les prix ». À court terme, la communauté urbaine détient les clés de la politique d’urbanisation des marches de Nantes. La délivrance des permis de construire échappe aux maires qui n’a plus qu’un droit de veto, l’instruction des dossiers se fait au sein de la communauté urbaine. « Si certaines communes n’ont pas validé leur schéma directeur d’urbanisme avant l’été, les projets de lotissements vont être bloqués, augmentant le cadre de pénurie », dit un négociateur de terrains chez Star Terre.
D’autres mouvements de rejet des clientèles modestes vers l’extérieur se font sentir dans le secteur de Gesvrines, entre Nantes et La Chapelle-sur-Erdre. « C’étaient des lotissements populaires dont les maisons se vendaient encore autour de 600 000 F il y a deux ans. Aujourd’hui ça ne part pas à moins de 900 000 F pour une clientèle plus standing », note Yannick Zoarski qui dirige l’agence JMI Transac.
Avec une image de championne de la récession à la propriété pour les pauvres, Nantes risque de faire fuir l’électorat de gauche. L’avenir d’Ayrault est sérieusement menacé.