Balade en Loire-Antérieure
L’étagère à Lulu
« Les sœurs Calvaire habitaient une petite maison basse, sise dans une ruelle, à gauche, en montant, vers le haut de la place, dont elles avaient reconverti la pièce d’entrée en maison de la presse, ce qui ne s’appelait pas ainsi, alors, et qui eut été ronflant pour une boutique composée essentiellement d’une table sur laquelle les sœurs étalaient, selon la technique du couvreur et de la pose des ardoises, une dizaine de magazines, plutôt féminins…» Voilà comment Jean Rouaud nous embarque à la station des sœurs Calvaire, l’une des nouvelles du dernier bouquin qu’il vient de publier chez Joca Seria. Un drôle de petit bouquin, qui nous promène dans les rues d’une espèce de Loire-Antérieure, l’univers préromanesque dans lequel le futur écrivain a longtemps promené son regard myope, et qui court sur « un demi-département » entre Saint-Nazaire et Nantes, en passant, bien entendu par Campbon, Loire-Inférieure. Un univers qu’il a ensuite couché sur papier, avec le succès que l’on sait, à sa manière, faite de réalité très légèrement décalée, de vraies choses un peu vieillies, un peu patinées, éclairées par une lumière cotonneuse, et qui ont provoqué, chez ses lecteurs de Loire-Inférieure et d’ailleurs, jusque dans les pays lointains, des frissons incontrôlés. Dans « Régional et drôle », c’est le Jean Rouaud du coin qui vient nous rendre visite, et nous fait quelques clins d’œil, celui qui découpait les dépêches à L’Éclair, ou vendait des journaux dans son kiosque atomium, celui qui songeait incrédule, qu’il aurait 48 ans en l’an 2000. C’est aussi le Jean Rouaud d’aujourd’hui, qui met de moins en moins de points dans ses livres et nous plonge un peu plus profondément dans l’atmosphère de « prose poétique » qui lui est chère. Bref, rien que du bonheur pour les amateurs, et un collector de chez collector pour les bibiophiles.