L’Hebdo louboutomisé
Le petit télégrammiste
Il n’y a pas encore mis les pieds que déjà la rédaction est partie en courant. Tous aux abris !
Jetez-le par la fenêtre, il revient par la porte. Louboutin a réussi, six mois après un échec cuisant, à prendre enfin la direction de L’Hebdo de Nantes. À la hussarde, sans même retirer ses bottes. Personne n’a vu le coup venir, surtout pas la rédaction qui en restée bouche bée et stylo suspendu.
Récit du putsch. Jeudi 10 janvier 18 heures, la rédaction est convoquée par Édouard Coudurier, pédégé du Télégramme et proprio de l’hebdo nantais. Édouard, qui vient de succéder à son père à la tête du groupe familial, annonce tout de go le départ de l’actuel directeur, son propre frangin Hubert, et la nomination du Loulou. Sans plus d’explication. Et ça commence tout de suite. « D’ailleurs, M. Louboutin est là, il va monter vous parler. » Stupeur des journalistes qui blanchissent à vue d’œil. La porte s’ouvre, Loulou apparaît. Il leur assène une brève leçon de journalisme et repart aussi sec. Personne n’en croit ses yeux.
Le lendemain matin, les yeux encore cernés, la rédaction se réunit. À l’unanimité, personne ne veut travailler sous les ordres de Louboutin. L’engin est trop connu, ses méthodes très personnelles et ses idées ultra réacs rendent impensable toute collaboration avec le nouvel occupant directorial. Les journalistes tentent un nouvel appel à la raison auprès de Coudurier : « Mise devant le fait accompli, la rédaction déplore ce revirement de situation et réitère ses plus vives inquiétudes face au risque d’une dérive éditoriale. Elle estime que ce choix est préjudiciable à l’image du journal et à sa stratégie de développement.» Il est vrai que les piles d’invendus du Nouvel Ouest ont de quoi inquiéter un journal qui lui-même peine à décoller. Silence radio du big boss.
La grève anti-grave
Lundi 14, la rédaction vote la grève comme un seul homme, du rédacteur en chef au moindre correspondant. La résistance s’organise. Le syndicat SNJ du Télégramme soutient les grévistes « mobilisés pour défendre une information la plus digne et la plus objective possible.» La société des rédacteurs du Télégramme écrit à son tour à Coudurier, qualifiant Louboutin « d’homme inquiétant ». Pas plus inquiet que ça, Coudurier riposte par une note de service nommant Vincent Combeuil, l’extrême bras droit de Loulou, au poste de rédac-chef. La provocation est assortie d’une menace : « Ces décisions sont destinées à assurer la pérennité de L’Hebdo de Nantes et le maintien de son personnel, malgré des résultats déficitaires…» En clair, c’est Loulou ou la lourde. La grève est reconduite à l’unanimité.
Jusque dans le staff du Télégramme, personne ne saisit l’intention de Coudurier. Veut-il suicider L’Hebdo ? Quelques langues se délient : à peine son père enterré – et avec lui le refus de nommer Louboutin – Édouard décide de marquer le coup. Il en fait un enjeu de pouvoir : désormais le taulier c’est lui, la preuve par Loulou. On se rebiffe ? Il met son autorité dans la balance, quitte à flinguer L’Hebdo. Na ! Autre son de cloche, Louboutin qui a des relations peut se révéler une utile passerelle entre le Télégramme et TF1-TV Breizh en vue d’un projet de télé locale. D’où la nécessité de lui remettre le pied à l’étrier à Nantes. Écœurée, soumise à toutes sortes de pressions individuelles, au chantage à l’emploi, la rédaction aura tenu une semaine. Et sauvé son honneur professionnel. Les pigistes et les correspondants, malgré leur situation de précarité, ont choisi de claquer la porte. Les salariés ont réussi à négocier leur départ sans trop de casse, à condition de ne pas faire valoir la clause de conscience, ce qui aurait chiffonné Coudurier. Et Loulou dans tout ça ? S’il tente de faire croire en ville qu’il a viré tout le monde, il n’avait toujours pas osé mettre un orteil au journal six semaines après la grève. C’est peut-être un grand timide.
Albert Ducourier
L’ALB terrorise la rédaction
Le putsch louboutinesque aura permis le retour d’ALB, alias Alain Le Bloas. Rédac-chef des premières heures de L’Hebdo, l’homme des unes aussi gratinées que racoleuses va passer sans hésiter de journaliste à briseur de grève. Alors qu’il se vantait publiquement la veille de soutenir Louboutin, il appelle le lendemain la rédaction en grève, « à titre privé », soi-disant pour l’aider et sortir de ce mauvais pas…
En réalité, il est déjà mandaté par Coudurier. Craignant le pire, la rédaction refuse tout net de lui parler. Qu’à cela ne tienne, il se pointe dans les locaux, tourne autour de tout le monde et tente de retourner chacun, passant du mielleux aux menaces voilées. En vain. Pour l’avoir déjà pratiqué, la rédaction s’en méfie. Certains se souviennent que dès le lancement de L’Hebdo, ce journaliste réputé pour son excessive convivialité avait placé le canard sous le contrôle politique du Conseil général, allant jusqu’à faire relire par le cabinet de Dejoie certains papiers avant parution. Du moment qu’il ne les prenait pas sous la dictée…
Doigt de réponse, bis Loulou y es-tu ?
Hervé Louboutin devient un poil nerveux. Et nous gratifie d’un second droit de réponse. Qu’avions-nous écrit ?* « Hervé Loulou a décidé d’aller s’installer à Rennes. L’animal cherche actuellement des locaux dans la capitale orientale des Bretons.» Pas content, l’animal ne nous l’envoie pas dire : « Le siège social du Nouvel Ouest est et restera à Nantes, ne vous en déplaise. Le Nouvel Ouest ne songe qu’à ouvrir un bureau dans la capitale bretonne…» Ou comment Loulou invente le droit de confirmation. Hervé sait aussi se montrer d’une extrême précision : « Quant à la diffusion du Nouvel Ouest (…) les chiffres que vous avancez sont faux.» En évitant quand même de les communiquer. Des fois qu’ils seraient pires…
Double peine. Le Nouvel Ouste
Comme certains rasoirs à deux lames, la justice pratique le double tranchant dans le même sens. Notre estimé confrère Hervé Louboutin en fait une seconde fois les frais, condamné qu’il est, et donc injustement condamné cela va sans dire, pour avoir publié les propos d’Irène Frain asticotant sur son parcours et son ancrage breton l’écrivain Michel Le Bris par ailleurs à la tête du festival littéraire Étonnants Voyageurs. Festival qui a fait à Irène l’affront de ne pas l’inviter. La piètre Irène n’a pu réfréner son ire vengeresse. La Cour d’appel de Rennes a confirmé le 5 février le jugement qui condamnait déjà Sieur Louboutin et Dame Frain à la mi-mars. Chacun de ces infortunés justiciables écope donc d’une amende de 1 525 euros. Nos pensées vont vers eux dans cette douloureuse épreuve.
Tir croisé
Dans Le Nouvel Ouest de janvier 2002, Catherine Decours dresse l’éloge du dernier livre du marquis de Goulaine. Qui signe, lui, une chronique trois pages avant, dans le même numéro. Voilà des articles dont le verbe est sujet à complément.