La sébille à double fond
Raoul faut le faire
Où l’on apprend que les douaniers africains font du tort aux dons pour les lépreux récoltés à Nantes.
Sont propres comme tout, ces petits scouts d’Europe en uniforme bleu marine et genoux cagneux réglementaires, réunis au Centre de communication de l’Ouest pour la photo souvenir. Pour avoir été l’équipe des meilleurs mendiants (on dit quêteurs, c’est plus digne) lors de la journée mondiale des lépreux fin janvier, ces croisés de la sébille ont eu droit à un super cadeau pour leur B.A. : des œufs en chocolat dans une boîte en fer, peinte à la bombe dorée par Isabelle de Cintré, la déléguée départementale de l’association Raoul-Follereau. Attention : la récompense n’est décernée qu’un an sur deux. Pas de dérive. On sollicite la charité, la générosité, on ne fait pas courir les scouts les plus droitiers après une gratification en chocolat. La récolte départementale de 45 735 euros est en baisse. « C’est l’effet de l’euro. Les gens ont confondu 10 francs et 1 euro », dit Mme de Cintré. La baisse des dons n’a rien avoir avec la calomnie. D’ailleurs certains ont donné plus, pour compenser…» La calomnie ? Un mois avant la quête, Le Canard Enchaîné** épingle l’assoce à Raoul en annonçant que le pape, Jipé Deux himself, recevrait, à titre personnel, une enveloppe annuelle de 15 245 euros versée par ladite association, un genre de denier du culte papal détourné des dons aux lépreux, qui eux, n’ont qu’à se gratter. Les dons ont aussi servi à arroser des ordres cathos ultra conservateurs et quelques cardinaux parmi les plus réacs, à faire des travaux dans l’appartement du rédacteur-en-chef d’un journal libanais ou à effectuer un prêt sans le moindre remboursement aux enfants d’un ministre africain… Sans oublier l’achat et la diffusion en Afrique de 2 000 bouquins dénonçant la capote comme facteur de propagation du sida***. « On aide les lépreux en donnant aux gens qui les soignent », tente d’expliquer Mme de Cintré en reconnaissant qu’il y a peut-être des « frais de dispatching ». Et si de l’argent s’est perdu en Afrique, c’est certainement dû à la « malhonnêteté des douaniers africains…» Sympa.
Le parquet de Paris s’intéresse à la gestion de l’association Raoul-Follereau et l’Episcopat de Paris a pris ses distances, jurant qu’elle n’a aucun lien avec cette association, qui « ne fait même pas partie du Conseil national de la solidarité qui regroupe toutes les associations charitables catholiques ». Mais bon, les petites mains de la mendicité ont leurs oeufs en chocolat. Tous les deux ans. Pas question d’encourager le cholestérol en culotte courte.
* Ouest-France, le 28 mars.
** N° 4236, 2 janvier 2002 et suivants.
*** Le Canard enchaîné n° 4241, 6 février 2002.