Panneaurama d’une ville-pubelle
Vide et haut
La vie manquant un peu de pub, il était temps de donner de la gaieté aux abords des monuments historiques. La ville est tombée dans le panneau vidéo.
L’opération humanitaire « pub contre mobilier urbain » n’aura pas coûté un rond. Désireuse de fournir à l’œil et à ses paroissiens un système d’infos locales top technologie, la Ville de Nantes a bradé son espace public à la société Dauphin, choisie pour entretenir après installation à l’automne dernier une panoplie de panneaux à écrans graphiques, panneaux d’affichage, abribus, totems, bornes interactives. Tout ça cadeau au contribuable. La Ville de Nantes accepte juste en échange que l’espace urbain soit un peu plus vendu aux publicitaires. Dauphin a investi 25 millions d’euros dans ce marché tape-à‑l’œil, se rattrapant sur la revente des espaces de pub à des annonceurs n’écoutant que leur sens du commerce. Il est bien loin, le temps où la Mairie de Nantes, n’écoutant que son devoir de protection des citoyens contre les agressions du paysage urbain, avait fait procéder en fanfare – entre 1991 et 1993 – au démontage de 900 panneaux 4 par 3 (sur 2400). En imposant par convention durement négociée cette modération aux appétits des réseaux de pub !
Les écrans graphiques de 8 m², installés aux abords des quartiers sauvegardés, ravissent les nuits des riverains d’un zapping lumineux d’images pimpantes qui égaye le paysage. Sauf les grincheux publiphobes et les antilux grognons, à qui Dauphin ne fournit pas de lunettes teintées. C’est pas gentil. La chose énerve aussi les architectes et Bâtiments de France, vaguement consultés à la va-vite sur cet outrage à espace public. La légalité de façade est sauve, les panneaux vidéo implantés respectant de peu la limite des 100 m de distance minimale des monuments historiques. Seule la Mairie pouvait se permettre cette installation de dispositifs de pub lumineuse, « autres que ceux qui supportent des affiches éclairées par projection ou par transparence ». Nantes-Passion, la voix de son Maire, stipulait pourtant la « concertation » des dits architectes, à qui l’autorisation n’a en fait été demandée qu’oralement et de façon informelle. En se gardant bien de leur décrire le résultat final, 8 m² d’écran d’une résolution en milliers de couleurs clinquantes, éblouissante la nuit et accrochant, même de loin, le regard du citoyen consommateur, souvent au volant. Une chance, les spots au rythme saccadé sur la sécurité routière n’ont encore provoqué aucun carambolage. Le centre-ville mérite bien cet embellissement d’un Las Vegas à la sauce réclame.