La Vendée militaire refuse l’entrée de la Turquie
Escarmouchoir
Les va t’en guerre de Vendée se battent contre des mouchoirs. Après l’expo, la réaction.
Deux siècles après les guerres de Vendée, les combattants ne désarment pas. Comme les temps sont plus calmes dans les chemins creux qu’au moment du soulèvement de l’Armée Catholique et Royale, il faut bien se dénicher quelque escarmouche et la faire passer pour une bataille d’importance. L’occasion a surgi cet été avec une expo d’art contemporain, au Musée de Cholet*, de juillet à décembre 2004. Scandale : une des œuvres, un assemblage de 2000 mouchoirs décorés par des gamins d’Istamboul et de Cholet, forme des rideaux cachant un peu les tableaux des généraux et chefs vendéens vénérés par les nostalgiques de ce grand moment réactionnaire. En fait, les tableaux ne sont pas du tout occultés, les tentures tombant deux mètres en avant. Il suffit de se faire un pas d’écart pour revoir les fiers héros blancs pourfendeurs de bleus.
Aux cris de “Vive Dieu”, “Vive le Roi” et “À mort la république”, une poignée de manifestants investit en juillet le musée, exigeant le retrait du blasphème. L’artiste turque, Handan Börüteçene, consent à déplacer les mouchoirs pour apaiser les esprits. Les dits esprits n’en ont cure. Mélangeant tout, les premières attaques parlent de “voile islamique” pour qualifier le travail de l’artiste. Jacques Chauvet, artisan en chef du tollé, dénonce “un coup monté depuis un an”, une “provocation”, et jure que l’affaire ne fait que commencer. Qualifié d’“identitaire”, son site internet Troospeanet (anglicisation de trousse-pinette, un apéro vendéen pure souche) bat le rappel des troupes, et affûte la faux de la révolte contre la république. Avec le son de l’affûtage sur la page d’accueil, pour faire plus vrai. Au passage, cette bouffée réac attaque l’art contemporain, qu’elle appelle “moderne” : on peut être un peu déphasé, quand on reste imprégné de l’Ancien Régime, avec l’art sacré comme seule valeur. L’obscurantisme populiste explique que cet art d’aujourd’hui n’a pas sa place dans un musée d’histoire, vu comme un sanctuaire de leur mémoire bicentenaire. Devant ce sacrilège, et malgré la réinstallation assumée par l’artiste, les nostalgiques des guerres vendéennes demandent “réparation”. L’association créée par les protestataires, dénommée “mouvement pour la mémoire et pour la paix” pour ne pas paraître trop va t’en guerre, est relayée par trois sites internet, Troospeanet, un site royaliste et un autre d’extrême-droite. Il faut bien ça pour se battre contre les mouchoirs.
* À l’épicentre de la “Vendée militaire” , délimitant le fief des Guerres de Vendée.