Les aventures de Tonton en Loire inférieure

Publié par lalettrealulu le

D’hommage

Quand la filière Mitterrand-Bousquet passait par Nantes, ou l’occasion de reparler d’André Maurice…

On l’a échappé belle : feu Tonton a failli être Nantais, puisque c’est à Chantenay, où son père était chef de gare en 1916, qu’aurait été conçu celui qui devait enfin abolir la peine de mort. Plusieurs fois en 50 ans de carrière, Mitterrand recroise Nantes. L’un des épisodes implique René Bousquet, ancien chef de la police de Vichy, exécutant des rafles antijuives et grand copain de l’ancien président.

Un financeur nommé Bousquet

Après son procès de 1949, Bousquet se recycle au sein de la très vichyste Banque d’Indochine, laquelle finance généreusement le marais de petits partis qui grenouille entre centre-droit et centre-gauche, une spécialité de la IVe République, dont l’UDSR du jeune Mitterrand. Leurs points communs ? L’anti- gaullisme, l’anticommunisme, le colonialisme et un sacré sens de l’opportunisme.

En 1958, Bousquet est candidat à la députation dans la Marne, avec l’investiture officielle de l’UDSR, sous l’étiquette Centre républicain, une scission ultra-réac du Parti radical conduite par Henri Queuille et… le Nantais André Morice. « Pour obtenir son investiture, il (Bousquet) a financé plusieurs candidats, dont Morice, patron du Centre républicain à Nantes. » (1)

« Dédé la Muraille »

Au moins quatre exploits signés Morice sont à inscrire dans le bêtisier de la mémoire nantaise. Patron d’une boîte de travaux publics, Morice participe « dans le cadre de l’organisation Todt, à la construction par les Allemands du mur de l’Atlantique. » (2) Un secret de Polichinelle à Nantes, qui lui valut d’ailleurs quelques soucis à la Libération. Sans doute pour se racheter, il mène une lutte implacable sous la IVe contre Pierre Mendès-France au sein du vieux Parti radical…

Ministre de la Défense pendant la guerre d’Algérie, « Dédé la Muraille » réalise une pharaonique « ligne Morice » barbelée et militarisée sur 5OO km de frontière tunisienne, afin que les Fellaghas ne puissent plus s’y réfugier. Il couvre sans état d’âme l’usage de la torture et des enlèvements durant cette « sale guerre ».

Ces hauts faits n’empêchèrent pas Dédé d’être élu maire de Nantes de 1965 à 1977, à la tête d’une extraordinaire majorité municipale allant de la SFIO (ancêtre du PS) à la droite extrême. Il en profitera pour marquer notre paysage par l’érection de sa manhattannesque (et déglinguée) tour Bretagne.

… Et tout ça parce qu’un certain Mitterrand a demandé à un dénommé Bousquet de subvenir aux besoins électoro-financiers du susdit Morice, il y a près de quarante ans. À quoi ça tient d’entrer dans l’Histoire !

(1) L’Événement du Jeudi (18.04.90). L’histoire fut révélée par le journaliste d’investigation Stéphane Denis dans une enquête sur la finance et le pouvoir . (Le Roman de l’argent, Albin Michel 1988)
(2) Nécrologie du Monde (19.01.90)