La mare aux Canaris
FCN inférieur
La descente du FC Nantes dans les bas-fonds du classement provoque la remontée d’odeurs nauséabondes dans les hautes sphères du club.
Qu’est ce que nous trafique la bande à Scherrer ? Les footophiles nantais cherchent désespérément une explication au comportement énigmatique des dirigeants du FC Nantes, à l’heure où le club plonge dans les tréfonds du classement. Une chose est sûre, aprés avoir réalisé des profits canons la saison dernière, avec un budget de clôture de 240 millions de francs, le club s’est contenté d’acheter trois tocards à l’inter-saison et s’est constitué un trésor de guerre de 50 millions (1). Les vacances prolongées du président, parti prendre le soleil en Tunisie pendant que les joueurs ramaient sur le terrain, n’ont pas précisément détendu l’atmosphère à la Beaujoire, et les supporters n’ont pas tardé à réclamer des têtes, que l’on s’est, pour l’heure, gardé de lui offrir. Parce que les choses sont plus compliquées que ça. C’est toute la machine qui est en cause. Dans ce milieu où l’intox est de règle, un rapide état des lieux permet de comprendre que ça patauge sec dans la mare aux canaris.
L’école de foot, une pédagogie de petit séminaire
Fierté du FCN, citée en exemple dans la France entière, l’école de foot est censée pourvoir aux besoins de l’équipe professionnelle. Or, seuls trois produits de l’école nantaise sont actuellement titulaires dans l’équipe de première division : Guyot, Ferri et Da Rocha. Tous les autres sont partis en courant dès leur contrat échu ou ont été vendus à prix d’or aux clubs adverses. Pis, nombre de ces joueurs, à l’image de Pedros, ont craché dans la soupe dès leur nouveau contrat signé, accusant pour certains l’encadrement de les infantiliser au dernier degré. D’autres ont carrément pété les plombs comme Loko à Paris, intenté des procès au club comme Dessailly, ou se sont retrouvés mêlés à de tristes magouilles comme dans l’affaire VA/OM où trois ex-nantais, Robert, Burruchaga et Eydelie, étaient mouillés. L’école de Nantes, aussi efficace soit-elle sur le plan sportif, est une sacrée calamité sur les plans humain, psychologique et… financier.
Un club familial
« L’image du club familial que tente de donner le FCN me fait doucement rigoler » témoigne un journaliste qui suit le club depuis plus de dix ans. « Dès que tu grattes un peu, tu ne trouves qu’une addition d’intérêts personnels ; quelques dirigeants grassement payés, un entraîneur complétement parano, et un président qui ne pense qu’au bizness. » Illustration de cette ambiance de saine camaraderie, ce témoignage d’un membre du conseil d’administration de la SAOS (2) : « Vous ne trouverez pas un administrateur qui soit capable de démêler l’imbroglio de sociétés montés par Scherrer, il gère tout tout seul, sans en référer à personne. Tout ce que je sais c’est que lorsqu’un chef d’entreprise donne 45 000 F pour inviter trois personnes dans sa loge, Média-foot, la société à qui il a confié les contrats publicitaires, s’embourbe le tiers et paie le club six mois après. »
Un président philantrope
Sauveur du club en 1992, Guy Scherrer a toujours juré ses grands dieux qu’il n’était là que pour l’amour du spectacle. C’est sans doute cette passion exclusive et désintéressée qui l’a conduit à signer, sans en référer à personne, un accord financier avec Gérard Darmon, le patron de Média-foot, qui lierait le club jusqu’en 2001 selon certains administrateurs qui d’ailleurs ne parviennent pas à se faire communiquer le document incriminé. Guy Scherrer a assuré devant le conseil d’administration de l’association, détentrice de 95% des parts de la SAOS, qu’il n’a obtenu aucune contrepartie « directe » dans cette affaire. Ce qui a immédiatement alimenté la rumeur de contrepartie « indirecte », d’autant que Guy Charles Albert Scherrer administre une bonne demi-douzaine de sociétés, selon le greffe du tribunal de commerce, dont une entreprise de conseil. Le président dévoué a, par ailleurs, imaginé de créer deux sociétés, OSE et Cofinam, auxquelles sont associés certains salariés du club comme Robert Budzinski, dont le but avoué est de faire de l’argent en utilisant l’image du FCN. La Cofinam envisage ainsi de créer un club-house avec hôtel, restaurant et salle de jeu. Une idée tellement fumeuse que la mairie de Nantes a demandé un audit au cabinet Fidal pour vérifier la légalité de ces créations.
La stratégie du bouc-émissaire
À l’exception d’un ou deux chroniqueurs, les journalistes nantais n’avaient jusqu’alors que très rarement trangressé le tabou qui interdit de dire du mal du FCN. « On ne touche pas au foot. À Nantes c’est sacré. » D’autant que le club n’hésite pas à brandir, au moindre prétexte, la menace d’interdire le stade aux journalistes indésirables. Au risque pour les contrevenants de perdre leur boulot. Un terrorisme que le club n’a pas hésité à utiliser, au début de sa descente aux enfers, en demandant 500 000 francs de dommages et intérêts à un confrère pour « divulgation de fausse nouvelle », parce que celui-ci, victime d’une mauvaise plaisanterie, ce que le club savait parfaitement, avait annoncé la saison dernière l’annulation d’un match. Au fait, c’est combien pour divulgation de vraie déroute ?
(1) Le Monde, 18 septembre 1996. Le club parle, lui, d’un matelas de 30 à 4O millions de francs.
(2) Société anonyme à objet sportif