Le RPR emmagazine le département
Feuilles d’automne
Pour créer son futur magazine, le conseil général a eu le nez fin en choisissant une officine aussi connue dans les couloirs du RPR que dans ceux de la chambre régionale des comptes de Picardie. Où il n’y a pas que des roses.
Le conseil général de Loire-Atlantique, présidé par le RPR Luc Dejoie, a eu une idée géniale : lancer début novembre son propre magazine, Loire-Atlantique le magazine comme son nom l’indique. Trimestriel, 48 pages tout couleurs à 470 000 exemplaires.
Enfin… ce n’est pas vraiment lui qui a eu l’idée, mais la société parisienne EURO 2C, dans un audit tenu secret recommandant la création du dit magazine. Un bon conseil puisque, divine coïncidence, c’est encore EURO 2C qui se voit attribuer quelques mois plus tard la réalisation du magazine, au terme d’un appel d’offre cafouilleux, pour un montant de 7 millions de francs. Il a fallu en effet deux appels d’offre pour retenir cette société, le premier ayant été annulé pour « des vices de présentation », lâche EURO 2C. On remarquera simplement qu’aucune des grosses agences de pub nantaises n’a souhaité y répondre. « ça sentait bizarre », nous confie l’une d’elle. L’imprimeur du magazine ne sera pas non plus une entreprise locale : « aucune n’est capable d’assurer un tel tirage », allègue EURO 2C, qui s’y connaît en affaires…
…À tel point qu’elle vient d’être citée par la chambre régionale des comptes de Picardie sur la gestion du conseil général de l’Oise présidé par le secrétaire général du RPR, le brillantissime Jean-François Mancel. Le rapport , encore au stade des observations provisoires, « porte sur la période 1988 – 92 et devrait évoquer, entre autres, les mécanismes d’attribution des marchés du département et sa politique de communication »,* et sur une possible « prise illégale d’intérêts »**, EURO 2C se trouvant co-actionnaire d’une chaîne de parfumeries avec… Mancel soi-même !
Encore plus fort, EURO 2C s’était déjà fait épingler par la même chambre, en 1992 et 1994, toujours à propos de la communication de l’Oise : de 1986 à 1989, le conseil général lui a refilé pour près d’ 1,7 million sur différentes prestations, via l’ADO (Agence de Développement de l’Oise), « sans aucune mise en concurrence » rapportent les magistrats. Brochures, prospectus, dépliants, logo et une affiche dont le seul coût s’élève à 568 912 francs, « sans que cette action n’ait fait l’objet ni d’une étude prévisionnelle, ni d’une analyse postérieure destinée à apprécier son efficacité réelle ». Le thème de l’affiche frôlait la provocation : « dans l’Oise, l’impôt vole bas ! » On allait le dire… Quant à l’ADO, elle a fermé boutique à la suite de ce rapport.
On ignore à quelle hauteur vole l’impôt en Loire-Atlantique, mais on espère que le président Dejoie aura plus de chance avec EURO 2C que n’en a eu son collègue RPR Mancel. Qui pour ces broutilles se trouve dans le collimateur de son patron, Alain Juppé, lequel n’est pas vraiment un homme de joie.
*Le Monde 08.09.96
**Le Canard enchaîné 25.09.96