Maréchal, le voilà !
Moitié de fille de chef
Le Pen, dégonflé ! Pour se présenter à Nantes, il n’a rien trouvé de mieux que de nous envoyer son gendre, un musclé qui a passé son passé par là.
Péraldi va pouvoir se ranger des chars du FN local : Samuel Maréchal est de retour, candidat à la députation dans la 2e circonscription, fief d’Elisabeth Hubert actuellement en stage diplômant à l’Elysée. Le vieux conseiller municipal lepéniste a même failli s’étrangler en apprenant la nouvelle dans la presse parisienne. « C’est une erreur de ne pas avoir réservé la primeur aux électeurs nantais »(1) glapit Pépéraldi qui devrait se méfier : un chef d’extrême-droite ne commet jamais d’erreur, a fortiori le mari de la deuxième fille de Le Pen… On a connu des nuits des longs couteaux pour moins que ça.
Officiellement le jeune Maréchal, avec sa tête de gendre idéal bien dégagé derrière les oreilles, revient à Nantes pour « retrouver ses racines » (voir ci-dessous). Plus prosaïquement, il a mission de remettre de l’ordre dans les rangs frontistes de l’Ouest, qui ont « besoin d’un encadrement (…) Comme les résultats y sont plus faibles, c’est là que se dégagent les plus importants potentiels de progression qui peuvent faire évoluer sensiblement notre moyenne nationale »(2). L’Ouest terre de mission et Nantes ville test aux législatives, c’est la nouvelle stratégie du FN qui compte mordre à pleins crocs dans l’électorat villiériste, il est vrai pas très éloigné des thèses du raciste-en-chef.
Une jeunesse nantaise
La campagne risque d’être chaude et il y a fort à parier que Le Pen vienne en personne soutenir Maréchal. Ceux qui s’y sont frottés savent que le patron des jeunesses lepénistes connaît les bonnes vieilles méthodes : infiltration d’associations culturelles ou sportives (voir Lulu n°5), intimidation des adversaires… Tout petit déjà, Maréchal montrait des prédispositions pour la pensée musclée. « Le jeune facho type : son truc c’était de se jeter sur ceux qui portaient le badge « Touche pas à mon pote » pour le leur arracher », se souvient un de ses condisciples du lycée Guist’Hau. Un autre raconte : « Ce n’était pas un idéologue, il adorait surtout faire le coup de poing », et de narrer comment lui et ses affidés « balançaient des lacrymos sur les lycéens en marge des manifs de 86″ ou menaçaient les sympathisants de SOS Racisme qu’ils reconnaissaient, genre « on note vos noms, on se retrouvera après…«
Les témoignages ne manquent pas. Ses collègues du conseil municipal de St-Ouen‑l’Aumône en région parisienne le voient partir avec soulagement : « au début l’ambiance était tendue. Il arrivait toujours escorté de six ou sept types du FNJ dont quelques crânes rasés. Nous nous sommes vite aperçus qu’ils étaient armés de matraques ou de flingues… Ses interventions étaient toujours les mêmes : « La France aux Français », les thèmes sécuritaires, jamais un mot sur les dossiers techniques. » Ensuite ça s’est calmé : « Maréchal avait pris un rythme de croisière : un passage à St-Ouen‑l’Aumône tous les mois et demi pour les séances du conseil municipal et un communiqué de presse tous les trimestres environ ».
Le gros bâton de Maréchal
Maréchal, qui vit en fait à Paris, a d’autres électeurs à fouetter que ceux de St-Ouen qu’il a quittés un an et demi après sans hésiter. Il dirige les campagnes de Le Pen et les caravanes d’été du FNJ, lesquelles laissent parfois derrière elles des traces cuisantes dont certains lycéens et juges d’Auch se souviennent encore… Mais si la loi d’amnistie consécutive à l’élection de Chirac interdit d’évoquer ces péripéties de la campagne présidentielle de 95, c’est Maréchal lui-même qui s’en charge lors d’une réunion publique en janvier 96 à Agen. Ce jour-là, il le regrette : « L’amnistie a empêché la justice de se prononcer sur le pénal. J’attendais une baisse réelle des peines… »(3) Amnistie ou pas, la cour d’appel d’Agen l’a condamné à verser 17 500 francs* de dommages et intérêts aux lycéens blessés par le service d’ordre du FN. A‑t-il payé avec la dot de beau-papa ?
(1) OF 24.12.96
(2) Le Monde 22.12.96
(3) Sud-Ouest 16.01.96
*À titre solidaire avec un responsable de la caravane présidentielle de Le Pen.
Pas catholiques. La Pentecôte remontée dans les deux sens
Histoire d’adoucir son image, Maréchal s’est confié à la presse à plusieurs reprises pour rappeler qu’il rentre à Nantes « retrouver ses racines » et son père, pasteur de « l’Église évangélique de Pentecôte », plus connue sous le label « SOS Réconfort ». Les mouvements pentecôtistes expriment une vieille tendance du protestantisme à réactualiser les pratiques de l’Église primitive : apprendre par cœur la Bible, « parler » plusieurs « langues » à la fois (la « glossolalie », sorte de transe collective) ou obtenir des guérisons miraculeuses, dans une joyeuse ambiance de contrôle étroit de la vie privée des adeptes. Pour l’Encyclopædia Universalis, « le pentecôtisme se distingue par son étroitesse dogmatique (fondamentalisme), par son prosélytisme agressif, par le caractère de son recrutement (classes défavorisées), enfin par l’atmosphère d’exaltation de ses campagnes d’évangélisation et de ses cultes. » ça ne vous rappelle rien ? Maréchal n’a peut-être pas été dépaysé par le folklore lepéniste…
Tout de même curieuse cette tendance du FN théoriquement « français et catholique toujours » à grenouiller dans les rangs d’églises ou de sectes exotiques, jusqu’à avoir eu un député… dirigeant de la branche française de Moon. Paris vaut bien plusieurs messes. Même les noires ?