Le pas de danse des pas de porte
Nightclubbing
Dans au moins un tiers des boîtes de nuit nantaises, le bronzage naturel n’est pas de mode. Surtout s’il est de naissance.
De nos envoyés spéciaux Nordine Nïouzhe et Eddy Claybard
Tester le racisme tout en s’amusant, rien n’est plus facile. Vous prenez un pote à vous, couleur beur par exemple, vous le suppliez de laisser tomber un soir jeans et baskets et vous l’emmenez en boîte*. Une seule règle : arriver séparément à quelques secondes d’intervalle, sans avoir l’air de se connaître. Lui devant, bien sûr…
Si certaines boîtes ne posent aucun problème, comme le Floride ou le Temps d’aimer, d’autres adoptent des stratégies de refus variées mais fermes. Petit florilège d’un soir.
À l’Évasion, dans le Bouffay, le refus est net, comme au News, place Zola. Ici, pas de temps à perdre. Un « vous n’êtes pas un habitué » claque au nez de votre copain trop bronzé en même temps que la porte. Pour vous, Gaulois de souche, aucune difficulté alors que vous n’êtes pas plus « un habitué»…
Au Royal, rue des Salorges, même refus, même argument. « Ici, pas de racisme, s’entend-on répondre, c’est juste la forme de vos chaussures », un peu trop pointues au goût du tenancier, pourtant des chaussures de ville aussi « classe » que classiques. Les pompes de travail quelque peu défraîchies du suiveur ne poseront, elles, aucun problème…
Au Milord – le laser à l’entrée de Nantes – on vous laisse entrer. Seule la couleur des tickets varie. Votre ami récolte d’office un billet ne permettant d’accéder qu’à une seule salle. Vous, visiblement plus pâle, avez droit à l’autre ticket, autorisant l’accès à toute la boîte. Pour le même prix et sans explication.
Étonnamment, aucune difficulté aux Années folles, rue de la Convention. Il faut dire que la même semaine Ouest-France publiait le courrier d’une lectrice peu flatteur pour la boîte**. Pour la Saint-Valentin, son « bronzé » de petit ami décide de l’emmener danser. Le portier des Années folles leur assène un « vous, oui, mais pas vous » sans ambiguïté sur le motif de son refus : « c’est le règlement !»
Nous, on a bien rigolé en faisant notre enquête. Pas elle, qui voulait danser. « C’est aujourd’hui, c’est à Nantes, écrit-elle, et nous en avons pleuré.»
* Lulu étant près de ses sous, nous n’avons fait qu’une dizaine de boîtes nantaises sur la quinzaine existante.
** OF 11 mars 97