Jojo est-il naz’ ?

Publié par lalettrealulu le

Titanicland

Le PS nazairien a mis un contrat sur Batteux. Objectif : lui reprendre dans trois ans les clefs de la mairie, quitte à lui couper la main.

Depuis près d’un an, Joël Batteux ne peut plus aller s’en jeter un dans les bistrots du port sans risquer une sulfatée de ses alliés socialistes. Faut dire qu’il leur en a fait voir. Elu depuis 83 sous étiquette PS, l’ingrat met les voiles en 92 pour rallier le MDC de Chevènement. Réélu triomphalement en 95 à la tête d’une liste où les tenors du PS doivent se contenter des seconds rôles, il commet l’irréparable aux législatives de 97 en défiant Claude Evin sur ses terres, naguère perdues au profit du titanesque RPR Etienne Garnier. De quoi sérieusement agacer un PS qui s’estime proprio de la « ville port » et décide d’entamer sa reconquête le soir de la victoire de l’ex-ministre rocardien.

À la manœuvre, un certain Gérard Mauduit, adjoint et premier porte-flingue du PS local, donne dans le brutal. Jojo mord encore la poussière des législatives, qu’il lui assène en plein conseil municipal le coup de « la participation critique », véritable casus belli alors que débute le « grand travaux » de Batteux : « l’Escale atlantique*».

Les cantonales virent au chantage. Passant outre l’accord national scellé à gauche, le PS présente Philippe Grosvalet, autre adjoint de Batteux, contre l’adjoint MDC tenant du canton. Mauduit menace par écrit le maire de représailles municipales s’il intervient pour défendre son poulain et joint le geste à la parole : à quinze jours du scrutin, il annonce que le groupe socialiste ne votera pas les premiers crédits de « l’Escale atlantique », puis se rétracte sous la pression de Yannick Vaugrenard, patron départemental du PS et accessoirement tête de liste aux régionales. Ambiance…

« Batteux est un excellent maire mais un piètre politique : il ne voit pas les pièges qu’on lui tend », chuchotte tel leader socialiste. Pourtant le piège est gros. Le PS a compris depuis les législatives qu’à chaque fois qu’il attaque le maire, il oblige les communistes à sortir de l’ombre pour le défendre, l’éloignant un peu plus du gros électorat centro-socialo-catho cher à Évin. « À lui seul, le maire ne représente pas 10% des électeurs. Si le PC le soutient, il perd, s’il le laisse tomber, il perd aussi.» CQFD.

Mais Jojo, pas le genre de paroissien à tendre les joues l’une après l’autre, se rebiffe : « Certains ont intérêt à saboter Ville-Port », et précise qu’il ne confond pas « quelques socialistes nazairiens avec le PS, qui saura tirer les leçons de ce pénible incident…**» Et d’annoncer qu’il sera candidat en 2001 pour un quatrième mandat.

« Il y aura une liste PS et Batteux est sûr de perdre… Le problème c’est qu’on ne sait pas qui sera le candidat », admet un militant socialo. La machine PS développe un nombre spectaculaire de stratégies personnelles, au risque d’exploser à l’approche des municipales. Les langues se délient. Grosvalet ? « C’est une fusée leurre…» Mauduit ? « Il peut surtout nuire…» À droite, Étienne Garnier voit en Claude Evin le « chef d’orchestre doucereux » de la bronca anti-Batteux. Tous tiennent les réseaux de la ville et aucun ne peut se passer du soutien des autres, ce qui augure des réjouissances à venir.

Reste le maire de Nantes qui, via Vaugrenard, soutient des deux mains Joël Batteux avec qui il a passé « un pacte » pour la métropole et qui surtout n’a aucune envie de voir son collègue Claude Evin s’emparer de la deuxième ville de Loire-Atlantique… Mais Jean-Marc pourra-t-il sauver Jojo face à une section nazairienne du PS peu encline à accepter les diktats nantais ?

Beaucoup parient sur un retour de Batteux au PS d’ici trois ans, qui retrouverait du coup sa légitimité de candidat socialiste sortant. Mais ce come-back est suspendu au deal que passera Chevènement avec Jospin à l’approche des présidentielles…

Une suggestion ? Échanger en 2001 les maires de Nantes et de Saint-Nazaire, ça ferait date dans l’histoire de la gauche et puis ce serait du dernier chic métropolitain.

* Transformation de la base sous-marine en musée des paquebots, première pierre du grand projet urbain « Ville-Port ».
** OF, 5 mars 98</I>