Libérez les territoires occupés

Publié par lalettrealulu le

Gros souillés

La sédition gagne les balcons chics sous lesquels s’ébat le populo. Vite, les Casques Bleus !

Saint-Pierre, au secours, on t’assassine ! Saint-André, on te souille ! Les riverains des cours Saint-Pierre et Saint-André « sans cesse occupés », pétitionnent contre « les foires, véritable pollution, et la coupe du monde […] gêne épouvantable ». Cachez ce populo qui festoie sous nos fenêtres ! Les nantis de la « Terre Sainte » (surnom de ce quartier très vieille France entre la cathédrale et Saint-Donatien) rêvent de se débarrasser de la bi-annuelle fête à neuneu, trop popu pour leur standing, et des forains, ces SDF à roulettes. Ces salopiots sont proprement insupportables : « détritus volant à tous vents, pailles souillées par des animaux de zoo […] Les trottoirs, les murs souillés d’urine. L’odeur est insoutenable et il faut enjamber les dégoulinades. Linge qui sèche, saleté et négligence des forains autour de leurs caravanes, tuyaux étalés n’importe comment…» À se demander comment le fait de laver son linge peut passer pour un manque d’hygiène… Pour stigmatiser cette épouvante affectant un si vénérable quartier, l’argument massue est celui de l’« esthétique bafouée » par « abandon de toute forme de propreté et d’esthétique de ce site culturel ». Et enfin comble de l’apocalypse : « C’est aussi la valeur de nos appartements qui est en jeu. Si cet état de fait se perpétue, qui voudra louer ou acheter des appartements sur les cours perpétuellement envahis ?».

À l’initiative de cette fronde des gens comme il faut, un certain Jean Amyot d’Inville, qui demeure rue Sully. Quand il ne rédige par de rapport bidon*, ou ne dirige pas le centre de communication de l’Ouest, monsieur a des idées. Interrogé par la revue Plein Ouest de mars dernier, il déplore que les gens ne sachent plus rire, à cause « de l’égoïsme, du sectarisme qui se répand beaucoup ». Qu’une grande frayeur de décote immobilière peut faire ressurgir chez les altruistes les plus drôles.

* Voir Lulu n°8, décembre 1996.