Marcel, fringant comme l’as de pique
Côté rembourse
Patron de l’habillement, Marcel Albert pratique habilement les soldes. Soldes de tous comptes à usage perso.
Un as, ce Marcel. Un as de pique, qui a excellé à piquer un magot en revendant son capital. Créée en 1963, la société de confection Albert est cotée au second marché vingt ans plus tard. Après quelques alertes et un plan social en 1988, Marcel Albert doute de l’avenir de l’habillement et veut se dégager de son entreprise, en récupérant au mieux son capital. Il place un de ses comparses, Bernard Bienaimé à la tête de la boîte, qui fait gicler quelques dirigeants et approche un chargé d’affaires d’une société de capital risque et de fonds de pension britanniques : Vincent Debré, grand frère de Jean-Louis et Bernard, (le chiraquien et le balladurien, désormais ex-ministres) amène « Shroder partenaires » au sein d’Albert SA. Pour optimiser le rachat, il faut faire offre aux petits porteurs en contrôlant 95% ce qui autorise d’attractifs avantages fiscaux. Ces petits actionnaires n’ont pas tout su : leur action n’est estimée que 138 F, alors que les 257 000 actions de la famille Albert lui sont rachetées sur une base de 161 F, voire 185 F, tarif prétendu justifié par une « garantie d’actif et de passif donnée pour 100 % des risques », modalité prévue par la COB, le gendarme de la bourse. En clair, si l’acheteur trouve des cadavres dans le placard, il se fait payer ces vices cachés par le vendeur. Justement, Marcel dit que cette clause de service après vente lui a coûté 4,5MF pour des litiges passés qu’il a indemnisés à la société.
Pour laisser son nom à la boîte et une garantie de non-concurrence, Marcel palpe aussi une prime de
7,5 MF, trois fois plus que ce qui a été envisagé au départ. En fait, on le voit mal se faire concurrence puisqu’il est actionnaire minoritaire et préside le conseil de surveillance… Oubliée dans une déclaration d’impôts, cette prime de 7,5 MF vaudra quelques admonestations fiscales au pauvre Marcel.
Lors du rachat, Marcel, bon prince, prête 12 MF en obligations convertibles (qui ne seront jamais converties). Le but ? Gonfler le capital d‘Albert Finances, société de portefeuille qui opère le rachat et réunit les fonds Shroder. Ce prêt très intéressé a fait des petits, remboursé en décembre 1995 en récoltant 7,9 MF d’intérêts et de prime spéciale au passage. On notera à l’occasion l’apport d’1,5 MF d’une mystérieuse société « Albert limited » basée à Hamilton, aux Bermudes. « Ça ne me concerne pas. Je ne sais pas ce que c’est », affirme Marcel.
« Tout l’argent venu de l’entreprise a été réinvesti dans d’autres entreprises. Je n’hésite pas à me mouiller pour la bataille de l’emploi ! » conclut Marcel. Difficile de se mouiller sans liquide.